Voici la belle histoire d’un parfait exemple d’une réussite de l’agrofinance.
Il était une fois un désherbant chimique. Son nom : il figure sur presque tous les frontons des fermes céréalières landaises. Le METOLACHLORE de la famille Chloroacétamides.
Comme pour tous les pesticides, de très sérieuses études scientifiques démontraient son innocuité pour le vivant hors les cibles visées, on pouvait dormir tranquille.
En 1996, il commence à être interdit progressivement. En France il a fallu attendre 2003.
Mais rassurons nous le Métolachlore étant en fait un mélange de deux énantiomères à part égales. On s’aperçut vite que le S-Métolachlore ne présentait aucun risque contrairement méchant jumeau. Il y a énantiomère lorsque la même molécule peut se présenter sous des formes différentes, alors que le motif chimique est identique.
En 2005, après de très sérieuses études scientifiques, on pouvait de nouveau utiliser la forme S-Métolachlore si elle représentait 80% du mélange des deux énantiomères.
En 2010, un petit souci, on interdisait les chloroacétamides, dans les produits de cosmétologie, pour cause de CMR (Cancérogène, Mutagène, atteinte à la reproduction) et comme perturbateur endocrinien.
En 2013, L’ARS des Landes découvrait que l’EDCH (Eau destinée à la Consommation Humaine) consommée par plus de 80 000 landais n’était pas conforme à la loi. Au moins un métabolite du Métolachlore dépassait, parfois largement, la limite des 0,1µg/l.
Ici, un métabolite est une molécule qui se forme à la suite de la dégradation d’une molécule mère. Il peut coexister plusieurs métabolites pour une même dégradation.
Le 02/01/2014, interrogée par l’ARS des Landes, l’Anses, après de très sérieuses et courtes études bibliographiques, décidait que l’on pouvait consommer l’EDCH jusqu’à des concentrations inférieures à 510µg/l pour l’Esa Métolachlore. Cette décision était le fruit de l’étude portant essentiellement sur les recherches scientifiques non publiées des fournisseurs du pesticide. On pouvait dormir tranquille.
Une étude non publiée est une étude dont seules les conclusions intéressantes sont révélées. Au nom du secret industriel, on peut ainsi empêcher toute analyse de procédure, toute détection de résultats biaisés par quelques manipulations ou omissions de paramètres significatifs.
Dès 2014, La chambre d’agriculture freine des 4 fers, comme en témoigne une lettre au préfet de son président d’alors.
Entre 2014 et 2017, rien, les institutions landaises furent particulièrement efficaces.
Fin 2016 début 2017, il fallu attendre que les associations environnementales se fâchent, après la découverte des faits, pour que des actions soient enfin mises en œuvre pour revenir à la conformité des eaux potables.
En 2018 nous obtenions les premières actions de nettoyage de l’eau pour l’EDCH, avec le principe du Pollué/Payeur.
Le 30/01/2019 après de très sérieuses études scientifiques, l’Anses classait les métabolites ESA et OXA du métolachlore comme pertinents, mettant un petit caillou dans la chaussure de la chambre d’Agriculture.
Le 14/01/2021, après de très sérieuses études scientifiques, l’Anses maintenait l’ESA- Métolachlore comme métabolite pertinent en y ajoutant un nouveau métabolite jamais recherché dans l’eau potable le NOA-Métolachlore, alors que l’OXA-Métoachlore devenait non pertinent. Il existe 17 métabolites pour le Métolachlore (Anses)
Le 30/09/2022, L’Anses déclassait l’Esa-Métolachlore et le NOA-Métolachlore en métabolite non pertinent, suite à de très sérieuses études scientifiques.
L’agriculture chimique et les distributeurs d’eaux respiraient.
Le 30/01/2023,l’Anses annonce requalifier les métabolites ESA, OXA, et NOA du métolachlore comme pertinents
Le 15/02/23Dans le même avis, l’Anses engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-Métolachlore..
De mauvaise langues perfides pourraient dire que l’Anses est délocalisée en Normandie, car on ne peut imaginer que tous ses atermoiements ne soient l’œuvre de pressions extérieures à la santé publique, à l’environnement.
P’tet ben qu’oui, P’tet ben qu’non
En dehors du grand intérêt de ce futur retrait pour la santé publique, et pour l’environnement, il n’en demeure pas moins qu’une partie du monde agricole sera dans les difficultés. L’agriculture biologique seule réponse viable à l’inéluctable fin de l’utilisation des pesticides ne s’improvise pas, surtout lorsque l’on connait le faible revenu des petites et moyennes exploitations landaises et l’âge moyen des chefs d’exploitation.