Version 3
Propos liminaires
Les amis de la Terre constatent et regrettent l’addiction au béton chez nos élus. Tous ne parlent que de changement climatique, de transition écologique, et parfois même de fin des ressources. Or, nous constatons trop souvent et particulièrement sur la côte un décalage complet entre le dire et le faire.
La pression immobilière est telle qu’ils semblent souvent incapables de résoudre une quadrature du cercle infernale -Figure 1.
Figure 1 : La quadrature infernale
Plusieurs autres paramètres influent sur cette problématique, ils en sont conscients et nous aussi.
Comment résister à ses enfants et leur expliquer que si vous avez eu de la chance d’acquérir ou d’hériter d’un bien en bord de mer il y a longtemps, en des temps où les bains de mer étaient d’un modeste attrait, ce n’est plus possible. Comment résister aux copains, aux amis des amis, aux réseaux de relation ?
Comment faire comprendre à nos décideurs qu’entre 1967 et 1988, la Miaca [1]transforma très fortement le littoral afin d’implanter une industrie touristique là où il n’y avait guère que des pins et des dunes, quelques scieries et usines liées à l’exploitation d’une forêt artificielle de résineux.
L’industrie du bois, du papier et de la résine déclinait déjà. La résine avait disparu, les poteaux de mines suivaient le même chemin. Restaient le papier, les panneaux, le bois d’œuvres et ses dérivés. La mondialisation n’avait pas encore frappé. Les industries du bois déclinantes sont les vestiges d’une première reconversion massive du plateau landais. Au milieu du XIX° siècle, une agriculture vivrière avec moutons à engrais, et une industrie de production de fer et d’acier menée par les maîtres de forges avaient été remplacées par l’implantation du complexe forestier. Cette mutation du XIX° siècle, qu’on le veuille ou non, était poussée par les maîtres de forges dont l’activité était mise en péril par l’émergence du fer et du charbon de l’est de la France. En schématisant, le berger sur échasse était devenu un résinier aux conditions de vie améliorées.
Aujourd’hui, la forêt n’est plus cet eldorado, le tourisme côtier, associé à la résidence secondaire, et les techniques AirBnb constituent les nouvelles sources de retombées financières. Nous allons essayer de voir les conséquences de cette nouvelle mutation essentiellement localisée sur le littoral.
Le logement
Nous le savons, l’été, la quasi totalité des communes littorales ou rétro-littorales explosent le nombre d’habitants. L’afflux est lié au célèbre triptyque : Le sable, le soleil, et la mer.
Cet afflux de personnes conduit au développement de l’offre d’emplois saisonniers. De là se forme une concurrence pour le logement entre des salariés précaires et des vacanciers plus aisés.
L’INSEE nous donne quelques informations sur le sujet sur un site dédié aux statistiques locales [2].
Figure 2 : Part des résidences secondaires (Clic droit sur la vue pour agrandir)
Nous pouvons par exemple porter la représentation du pourcentage des résidences secondaires. Le ratio pour le département est de 21 %. Les dernières données datent de 2018. La -Figure 2- montre le taux de résidence secondaire des Landes littorales et rétro-littorales. Gageons que le Covid aura peut être accentué la prépondérance des résidences secondaires sur les principales. A noter également que plus la part des résidences secondaires est forte, plus la part des logement vacants est faible (3 % contre 7% pour les Landes). L’ensemble des communes littorales landaises ont en moyenne 46 % de résidences secondaires. Mais il existe de fortes disparités. Ainsi les communes de Labenne, Ondres, Tarnos n’ont que 11 % de résidences secondaires. Faut il y voir la pression du Pays Basque Nord, dont on connaît les problèmes de logements devenus structurels depuis longtemps ? Sans ces trois communes, les communes littorales landaises ont plus de la moitié des résidences qui sont secondaires (54%). Nous constatons également une pression sur les communes rétro-littorales. Avec une exception, Léon, qui se hisse au niveau des communes littorales. L’eau douce vaudrait peut être l’eau salée.
En 2018, le 3/4 des résidences secondaires landaises se situent dans les communes littorales selon l’INSEE. Tout nouveau logement sur la zone littorale a une forte probabilité de ne pas être une résidence principale à court terme.
La première place est détenue par Moliets et Mâa avec 81 % de résidences secondaires, devant Vieux Boucau 77%, Seignosse 73%, Soorts-Hossegor 67 %, ou Capbreton 55%. A Moliets, tout est bon pour exploiter le tourisme. C’est dans ce charmant village que l’on détourne chaque année l’embouchure du courant d’Huchet en toute illégalité, et en passant allègrement dans une zone Natura 2000. On évite de creuser trop profond pour ne pas entraver l’accès massif des baigneurs à la dune protégée. On pourrait également visiter son golf avec son célèbre trou sur la dune littorale. Cette commune est révélatrice de ce qu’il ne faut plus faire.
La population
Les communes littorales comme les communes rétro-littorales ne disposent que de peu de résidences principales, mais qui en sont les résidents ?
Pour les 17 communes littorales, la proportion des habitants retraités résidents est de 33 %. Elle est de 29 % pour le département, et environ 27% en France. Nous avons donc une sur-représentation de la population retraitée dans les 17 communes littorales. Mais le département est également vieillissant. Il existe un différentiel non négligeable dans la répartition des retraités à faibles revenus entre la zone littorale et le reste du département et son quart Nord Est en particulier [3].
Les Flux
Il est intéressant de nous intéresser aux flux de populations. Dans l’évolution du nombre d’habitants, on peut considérer deux flux principaux :
- Le flux naturel
- Le flux externe
Le flux naturel est le différentiel entre le nombre de décès et le nombre de naissances sur la zone considérée. En général, s’il est négatif, on trouvera une population vieillissante qui par voie de conséquence fait moins de bébés qu’il est nécessaire pour compenser la mortalité.
Les flux externes quantifient le rapport entre le nombre de personnes qui quittent la zone pour différentes raisons (jeunes étudiants, pertes d’emplois, manque d’emplois). Il est raporté aux flux entrants. Ce sont des personnes qui viennent habiter sur la zone pour travailler ou prendre une retraite méritée… La somme des deux flux fait la variation globale de la population. Les -Figures 3, 4- montrent l’évolution de ces deux flux pour les communes littorales et rétro-littorales. Les valeurs sont en % d’évolution entre 2013 et 2018
Figure 3 : Flux Naturels littoral.
Figure 4 : Flux totaux littoral.
Le flux naturel montre une forte tendance des populations littorales à ne pas se renouveler. Ce sont les flux externes qui permettent le renouvellement. La zone Sud des Landes est influencée certainement par l’agglomération Basque nord.
Ceci n’est pas nouveau dans les Landes. Les bacheliers des années 60, 70… pratiquaient déjà l’émigration forcée. Les Landes poussaient ses jeunes diplômés à partir vers des ailleurs plus porteurs en termes d’études et de travail. Quelques uns reviendront en trouvant un emploi, d’autres ne le feront que bien plus tard occupant la maison familiale ou faisant construire, qui une résidence secondaire, qui un havre pour la retraite sur les lieux de leur enfance.
Ils seront en concurrence avec d’autres candidats aux charmes de la côte. Tout ceci entraîne une concurrence libre et faussée entre des jeunes couples qui peinent à trouver un emploi stable local rémunérateur, et des candidats plus âgés qui ont des moyens conséquents. Les Landes éjectent leurs jeunes, surtout sur la côte, au profit de vieux qui ont les moyens.
Des tentatives ont été menées dans quelques communes pour offrir aux jeunes couples en mal de logement des possibilités. Entre autre, des conditions de plafond de revenu ont été mises en place, avec des pénalités pour enrayer les tentatives de spéculation. Dans une commune, il nous a été rapporté que des logements acquis pour un ordre de grandeur de 100 000€ ont été revendus suite à des accidents de la vie à 400 000€, avec une pénalité de 70 000€ : cherchez l’erreur.
Les sources d’emploi locaux
Toujours sur le site de L’INSEE déjà cité, on peut estimer l’origine de la part des richesses créées. L’indicateur utilisé est le % de postes classés selon le type de secteur :
- Agricole
- Industriel
- Construction
- Commerces, transports et services
- Public (enseignement santé, action sociale…)
La -Figure 5- montre la part des postes de travail classés dans le commerce, le transport et les services.
Figure 5 : Postes Commerces services 2019
Une lecture rapide montre nettement l’impact de la monoculture touristique. En effet, cette catégorie est dominante sur les villes littorales. L’agriculture y est absente, le monde de l’industrie, l’autre créateur de richesse y est rare et en général rejeté loin de la côte. Lorsque l’industrie est présente, ce sont en général des survivances du passé.
Il faut bien se rappeler que l’agriculture et l’industrie sont des outils de transformation de ressources naturelles en biens utiles. Ce sont ces deux catégories qui créaient la richesse dont tout dépend. De plus, ces secteurs sont créateurs d’emplois stables et pérennes, au regard du tourisme essentiellement saisonnier.
La surpopulation estivale locale entraîne une déqualification et une précarité de l ‘emploi.
Le cas de Vielle Saint Girons est emblématique. Le nombre de postes Commerces… est de 9,3%, il est derrière l’emploi public avec 15,5 %, et très loin de l’industrie et de ses 74,6 % des postes occupés en 2019.
Autre cas emblématique : Mimizan, nous avons ici une commune plus importante, et qui possède un vieux tissus industriel lié au bois connu et réputé. Si nous analysons les données nous voyons que le tourisme est le premier employeur avec 37% des postes, loin devant le secteur public à 29% qui devance juste l’industrie 28%. Un taux de chômage à 18% contre 13% pour les Landes. Et autant de résidences secondaires que de résidences principales. Nous sommes en train d’y faire échouer un lotissement sur un site remarquable. Une nouvelle structure qui quoique affirment les porteurs du projet ne serait qu’un moyen de plus d’accroitre les logements secondaires.
Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre des usines partout, mais comme toujours, l’idéal est entre les extrêmes. Avec le changement climatique associé à la fin des ressources, il faut peut être envisager quelques changements idéologiques.
Le prix du m2 de logement
La direction générale des finances met en œuvre la base de données DVF (Demande de Valeur Foncière [4]. Elle recense les mutations à titre onéreux (vente, vente en l’état futur d’achèvement, vente terrain à bâtir, échange, adjudication, expropriation) advenues les 5 dernières années. Elle est sous forme de carte interactive, ou de tableur [5]
Cette base de données est reprise par des groupements d’agence immobilières. Elles se présentent sous forme de cartes. Elles peuvent être colorées en fonction du coût comme par exemple la carte du groupe Efficity [6].
Le coût du m2 est souvent ajouté, ce coût correspond à la valeur du bien divisée par la surface habitable.
Nous laissons le lecteur libre de vagabonder, de rêver, de trouver l’investissement de ses rêves. Les prix des maisons varient pour les Landes de 600 €/m2en moyenne dans l’est du département à 11 000€/m2 à Soorts-Hossegor. Dans cette commune les prix les moins chers se situent dans la zone Pédebert (6 000 €/m2) à 18 000 €/m2 entre Lac et Océan. Pour les appartements, la fourchette se situe entre 6 000 et 12 000 avec une moyenne autour de 8 900 €/m2.
Comment voulez vous qu’un jeune couple trouve à se loger sur la côte a moins d’avoir quelques moyens substantiels en héritage ?
Conclusion
Nous ne doutons pas que vivre près de la côte landaise dans une commune littorale présentent de nombreux avantages, pour quelques privilégiés. Nous avons eu de la chance, comme celle pour certains, de naître pendant les trente glorieuses. Mais ces bonheurs individuels de personnes, âgées pour la majorité, doivent être balancés par les difficultés actuelles de nombreux autres plus jeunes, et des problèmes à venir avec le changement de paradigme de notre société humaine.
Nos élus doivent rapidement prendre conscience que ce monde de croissance infini peu solidaire est terminé. Sans jeunes, les vieux demeurent isolés, et fragilisés.