Les maladies zoonotiques (d’origine animale) nous menacent : "Beaucoup d’entre nous subiront deux pandémies au cours de leur vie". Environ 75% des pathologies infectieuses émergentes qui touchent les humains sont d’origine animale. Des événements tels que la COVID-19 ou l’épidémie de variole du singe démontrent le danger latent de la détérioration de l’environnement.
- Elevage dans le Pas de Calais (Photo L 124)
Une fois de plus, la nouvelle épidémie de variole du singe, maladie endémique en Afrique centrale et occidentale, met en évidence la menace que représentent les zoonoses pour les humains. Cette menace a déjà été amplement mise en évidence avec la pandémie de COVID-19, elle aussi ayant pour origine le monde animal. L’Organisation mondiale de la santé met en garde contre la possible extinction d’un million d’espèces animales et végétales, alors que les activités humaines continuent de détruire les écosystèmes à un rythme accéléré, ce qui va entraîner une intensification des contacts avec de nouveaux virus dans les années qui viennent.
Les changements climatiques, la déforestation, la destruction des habitats, le trafic d’espèces sauvages, l’agriculture intensive ou la surexploitation des océans ont modifié l’équilibre des écosystèmes, et cette perte de biodiversité aura de graves conséquences non seulement pour la planète, mais aussi pour l’humanité. Bon nombre des maladies infectieuses qui touchent les humains et qui sont apparues récemment, comme la COVID-19, Ebola ou le sida, sont des zoonoses, et on estime qu’environ 75 % des maladies infectieuses émergentes qui affectent les humains sont d’origine animale.
De nombreux articles et études scientifiques font clairement le lien entre la perte de biodiversité et un risque accru de zoonoses. Pour la plupart des chercheurs, la nouvelle épidémie de variole du singe n’est qu’une pièce de plus de ce dangereux puzzle. "Les nouveaux cas de variole du singe sont un signal d’alarme qui doit nous servir à ne pas baisser la vigilance qu’a provoquée la COVID-19. Du fait de cette pandémie, nous avons appris un certain nombre de choses, en particulier que nous sommes exposés au risque de pandémies", a déclaré à RTVE.es Fernando Valladares, écologiste au CSIC et vulgarisateur de thèmes environnementaux. Comme l’explique notamment un article récemment publié, le risque de souffrir d’une pandémie au cours de sa vie était pour un humain de 38 % jusqu’à présent, mais qu’au cours des deux prochaines décennies, ce pourcentage va doubler, "ce qui, en termes statistiques, signifie que de nombreuses personnes subiront deux pandémies au cours de leur vie".
Pour Juan José Badiola, professeur de pathologie animale, "le risque de zoonoses est désormais beaucoup plus grand", et l’épidémie actuelle "nous prévient une nouvelle fois que les choses vont mal". Ce chercheur de l’Université de Saragosse explique à RTVE.es que "Le concept de ’One Health’, qui signifie ’Un monde, une santé’, est très important. La santé humaine, la santé animale et la santé environnementale ne doivent pas être dissociées, car si nous modifions les écosystèmes, nous pouvons être assurés d’avoir des problèmes de transmission de virus.". Comme facteurs fondamentaux qui facilitent la propagation des agents pathogènes sur toute la planète, il pointe aussi la mobilité et la mondialisation.
A cet égard, Fernando Valladares, assure que "les pandémies, et plus précisément les épidémies, sont aussi vieilles que l’humanité. Mais l’un des nouveaux facteurs est précisément la mondialisation, puisque on assiste désormais à une forte augmentation de la vitesse et de l’échelle géographique de propagation des agents pathogènes."
"Toute nouvelle espèce avec laquelle nous entrons en interaction présente un risque, car elle a sa collection de virus et de bactéries, tout comme nous les humains. Parfois certains de ces virus et bactéries provoquent une maladie infectieuse chez le nouvel hôte. Nous augmentons les risques lorsque nous faisons n’importe quoi avec la nature et modifions des écosystèmes où existent depuis des milliers d’années des équilibres entre les espèces".
Une seule santé
Pour Amós García Rojas, président de l’Association espagnole de vaccinologie, l’épidémie de variole du singe "est un signe sans équivoque que nous devons approfondir ce concept d’"Une seule santé" que l’OMS met chaque fois en avant - une seule santé, c’est-à-dire : santé humaine, animale et environnementale". Pour cet épidémiologiste, ce sont "les trois faces d’un même problème et si nous ne les traitons pas ensemble, nous ne pourrons jamais obtenir une santé globale".
Le concept de "One health" ou "Une seule santé" fut introduit au début des années 2000 pour désigner un fait que les scientifiques connaissent depuis plus d’un siècle : la santé humaine et la santé animale dépendent l’une de l’autre et sont, qui plus est, liées aux écosystèmes dont elles font partie. Partant de ce principe, des représentants de disciplines multiples (médecins, vétérinaires, scientifiques, humanistes...) travaillent pour parvenir à cette approche globale de la santé, tout en avertissant qu’il existe environ un million et demi de virus inconnus dans la faune sauvage, et qu’entre 500 000 et 800 000 d’entre eux pourraient s’adapter à l’espèce humaine, provoquant ainsi des maladies à potentiel pandémique, comme cela a été le cas avec la COVID-19.
Le scientifique Fernando Valladares explique que "Comme écologues, nous soutenons à cent pour cent ce concept d’ "Une seule santé", car c’est le seul moyen d’inverser une tendance terrible en matière de santé humaine. En effet, peu importe les progrès réels de la médecine, le rythme de ses succès est plus que neutralisé par le rythme de la dégradation de l’environnement". Il ajoute que nous avons atteint un point où "il y a proportionnellement plus de personnes qui meurent de la dégradation de l’environnement que n’en sauve la médecine et ses progrès, et c’est la première fois que cela se produit. L’espérance de vie n’augmente plus et a même commencé à diminuer, justement parce malgré ses progrès, la médecine ne peut compenser l’augmentation des décès due aux changements climatiques, à la pollution, aux pandémies, etc."
Face à cette situation, Valladares défend une nouvelle approche où la médecine "s’hybride avec d’autres disciplines comme l’écologie, la sociologie, l’anthropologie et de nombreuses autres sciences qui nous aident à aborder le problème de l’environnement et la relation entre les êtres humains et la nature d’une manière plus holistique". "Les faits, malheureusement, prouvent à quel point cela est nécessaire", conclut-il.
Article de Samuel Pilar parue sur le site de la RTVE. Titre original et lien : "La amenaza de las enfermedades zoonóticas : "Muchas personas sufriremos dos pandemias en nuestra vida"
Traduction et adaptation : Amis de la Terre des Landes