A droite, le déni climatique s’estompe, mais ce qui le remplace pourrait être tout aussi effrayant. Dans les mouvements d’extrême droite en Europe et aux États-Unis, on empaquette la catastrophe écologique dans un emballage fait des craintes d’une immigration galopante et c’est un discours qui prospère.
- Affiche du Rassemblement National
Depuis de nombreuses années, nous sommes habitués, nous écologistes, à ce que les industriels, l’agrobusiness et le monde de la finance reprennent nos idées, nos demandes, nos actions afin de mieux les détourner pour pouvoir continuer à faire des profits avec la destruction de la planète, mais en prétendant la... protéger.
Aujourd’hui, un autre danger nous guette. Jusqu’à maintenant le monde politique faisait semblant de s’intéresser à la protection de l’environnement dans le seul but de gagner quelques voix. Désormais, une partie de l’extrême droite a compris tout le profit qu’elle pouvait tirer de la crise écologique pour faire avancer ses idées de haine et d’exclusion.
Lorsque nous parlerons de populations déplacées à cause des changements climatiques, de relocalisation de l’économie, etc, il va falloir être clairs et précis pour que notre discours ne puisse être récupéré...
C. BERDOT Amics de la Terra Lanas
Article de Oliver Milman, paru dans The Guardian le 21 novembre 2021 sous le titre : Climate denial is waning on the right. What’s replacing it might be just as scary
Dressé devant les ruines du Colisée de Rome, Boris Johnson a expliqué qu’on pouvait trouver dans la chute de l’empire romain un motif pour lutter contre la crise climatique. A l’époque, comme aujourd’hui, a-t-il affirmé, l’effondrement de la civilisation dépendait de la faiblesse de ses frontières.
"Lorsque l’empire romain est tombé, c’était en grande partie à cause d’une immigration incontrôlée - l’empire ne pouvait plus contrôler ses frontières, des gens venaient de l’est et de partout", a déclaré le Premier ministre britannique dans une interview la veille des discussions cruciales de l’ONU sur le climat en Écosse. La civilisation peut aussi bien reculer que progresser, comme l’a dit Johnson, le sort de Rome offrant un avertissement grave quant à ce qui pourrait arriver si le réchauffement climatique n’était pas maîtrisé.
Cette façon d’envelopper la catastrophe écologique dans les craintes d’une immigration galopante est un discours qui prospère dans les mouvements d’extrême droite en Europe et aux États-Unis et se répand maintenant dans le discours politique dominant. Quelle que soit son intention, Johnson suivait un courant de pensée de droite qui est passé du rejet pur et simple du changement climatique à l’utilisation de ses impacts pour renforcer des lignes d’affrontement idéologiques et souvent racistes. Les représentants de cette ligne de pensée à travers le monde reprennent dans de nombreux cas, des idées éco-fascistes qui elles-mêmes sont enracinées dans l’époque plus ancienne d’un nationalisme basé sur le "sang et le sol".
Aux États-Unis, un procès intenté par le procureur général républicain de l’Arizona a exigé la construction d’un mur frontalier pour empêcher les migrants de venir du Mexique, car ces personnes "sont directement la cause de l’émission de polluants, de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère". En Espagne, Santiago Abascal, leader du parti d’extrême droite Vox, a appelé à la restauration "patriotique" d’une "Espagne verte, propre et prospère".
Au Royaume-Uni, le Parti National Britannique d’extrême droite a prétendu être le "seul vrai parti vert" du pays en raison de l’accent mis sur la migration. Et en Allemagne, le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne qui précédemment tournait en dérision les données scientifiques sur climat a revu son programme et met maintenant en garde sur le fait que des "conditions climatiques difficiles" en Afrique et au Moyen-Orient provoqueront une "migration de masse gigantesque vers les pays européens", ce qui entraîne nécessairement un renforcement des frontières.
Pendant ce temps, le Rassemblement national français, autrefois un des champions qui niait et tournait en dérision la crise climatique a fondé une aile verte appelée "Nouvelle écologie", avec Marine Le Pen, présidente du parti, promettant de créer la "première civilisation écologique du monde" en mettant l’accent sur les aliments cultivés localement.
"L’écologie [est] l’enfant naturel du patriotisme, car c’est l’enfant naturel de l’enracinement", a déclaré Le Pen en 2019, ajoutant que "si vous êtes un nomade, vous n’êtes pas un écologiste. Ceux qui sont nomades… ne se soucient pas de l’environnement ; ils n’ont pas de patrie." L’allié de Le Pen, Hervé Juvin, député européen du Rassemblement national, est perçu comme une figure influente de la droite européenne dans la promotion de ce qu’il appelle le "localisme nationaliste vert".
Le simple fait d’ignorer ou de dénigrer la science n’est plus l’arme politique efficace que ce fut autrefois. "Nous voyons très, très peu de déni climatique dans les échanges en ce moment", déclare Catherine Fieschi, analyste politique et fondatrice de Counterpoint, qui suit les tendances du discours populiste. Mais au lieu du déni, il y a un socle croissant de populisme environnemental qui a tenté de concilier l’inquiétude du public face à la crise climatique avec le mépris des élites dirigeantes, en tentant de façon plus traditionnelle de faire se rapprocher nature et cercle familial en appelant à bannir les immigrants derrière des frontières fortes.
Des millions de personnes sont déjà déplacées de leurs foyers, principalement en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, en raison de catastrophes aggravées par le changement climatique : inondations, tempêtes et incendies de forêt. En août, les Nations Unies ont déclaré que Madagascar était au bord de la première "famine liée au changement climatique" au monde.
Le nombre de personnes déracinées dans le monde augmentera encore pour atteindre 1,2 milliard d’ici 2050 selon certaines estimations, et bien que la plupart se déplaceront à l’intérieur de leur propre pays, plusieurs millions devraient chercher refuge au-delà des frontières. Ce bouleversement massif pour des millions d’humains va provoquer des conflits internes et externes et le Pentagone, parmi d’autres, a prévenu qu’ils dégénéreraient en violence.
A droite, la réponse à cette tendance a conduit à ce que les universitaires Joe Turner et Dan Bailey appellent "le frontiérisme écologique" (ecobordering), idéologie qui considère que les restrictions à l’immigration sont vitales pour protéger la gestion nativiste [1] de la nature et qui met sur le dos des pays en voie de développement les maux de la destruction de l’environnement, ignorant complètement au passage que les nations riches consomment beaucoup plus. Dans une analyse de 22 partis d’extrême droite en Europe, les universitaires ont trouvé que ce mode de pensée est répandu parmi les partis de droite et "présente les effets comme des causes et normalise davantage les pratiques frontalières racistes et l’amnésie coloniale en Europe".
- "Protéger l’environnement, c’est aussi protéger son pays"
Pour Turner, expert en politique et migration à l’Université de York, le lien entre climat et migration est "un raisonnement facile" pour des politiciens comme Johnson car cela rejoint les tropes éculés de la droite comme quoi la surpopulation dans les pays les plus pauvres est une des causes majeures de la destruction de l’environnement. Plus généralement, il s’agit d’une tentative de la droite de prendre l’initiative sur des questions écologiques qui ont si longtemps été l’apanage des partis de centre-gauche et des protecteurs de la nature.
Comme l’explique Turner "L’extrême droite en Europe a un programme anti-immigration. C’est son fond de commerce. On peut donc considérer cette tentative comme une tactique électorale pour commencer à parler de politique verte". Deux choses sont reprochées aux migrants : d’abord d’avoir déménagé dans des pays avec des émissions plus élevées et ensuite d’augmenter ces émissions, comme l’affirmaient des chiffres de la droite en Arizona ; et deuxièmement de prétendument amener de leur pays d’origine, des habitudes destructrices et polluantes.
Un mélange de cette pensée malthusienne et ethno-nationaliste est distillé dans les campagnes politiques. On le retrouve dans un pamphlet politique de la très droitière UDC (SVP en allemand) - décrit dans le document de recherche de Turner et Bailey - , plus grand parti de l’Assemblée fédérale de Suisse, qui montre une ville bondée de monde et de voitures crachant des gaz polluants, avec un slogan qui se traduit par "Stop à l’immigration massive". Une autre campagne de l’UDC affirme qu’un million de migrants créera des milliers de kilomètres de nouvelles routes et que "quiconque veut protéger l’environnement en Suisse doit lutter contre l’immigration de masse".
L’extrême droite, nous explique Turner, décrit les migrants comme étant "foncièrement de mauvais dépositaires de leurs propres territoires et des personnes qui ensuite maltraitent aussi la nature européenne". "C’est comme ça que vous obtenez ces gros titres sur les demandeurs d’asile mangeurs de cygnes et toutes ces tactiques alarmistes ridicules. Mais ils jouent sur l’idée qu’en empêchant les immigrants de venir ici, vous soutenez en fait un projet vert."
Les experts sont clairs sur le fait que les principaux responsables de la crise climatique sont les riches des pays riches. Des études ont montré que, de 1990 à 2015, les 1% les plus riches de la population mondiale étaient responsables de de deux fois plus d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) que la moitié la plus pauvre. Les Etats-Uniens ont le plus haut niveau d’émissions par habitant dans le monde. L’afflux de nouveaux arrivants dans les pays à fortes émissions ne fait pas progresser la courbe des émissions au même rythme : une étude de l’Université d’état de l’Utah a révélé que les immigrants "consomment moins d’énergie, conduisent moins et génèrent moins de déchets" que les Etats-Uniens nés dans le pays.
« Protéger notre peuple »
Pourtant, l’idée de devoir faire personnellement des sacrifices passe difficilement auprès de beaucoup de gens. Bien que les citoyens acceptent de plus en plus les faits scientifiques sur le climat et que les gouvernements aient fait si peu pour limiter le réchauffement climatique, le soutien aux politiques de lutte contre les bouleversements climatiques s’effondre lorsqu’il s’agit de mesures impliquant la taxation de l’essence ou l’imposition d’autres mesures. Selon un article co-écrit par la chercheuse Catherine Fieschi, cela a conduit à une situation où "les détracteurs reprennent le langage des défenseurs des libertés".
Comme le constate Catherine Fieschi : "On voit les accusations se multiplier contre cette hystérie climatique qui n’est qu’un moyen pour les élites d’exploiter les gens ordinaires. Les solutions qui sont discutées impliquent de dépenser plus d’argent pour les Etats-Uniens méritants, les Allemands méritants et ainsi de suite, et moins pour les réfugiés. C’est ’oui, il faudra protéger les gens, mais protégeons nos gens’ ".
Cette réaction de rejet est visible dans les mouvements de protestation tels que les Gilets jaunes en France, qui sont devenus le plus long mouvement de protestation du pays depuis la seconde guerre mondiale en dénonçant, entre autres, une taxe carbone imposée sur le carburant.
Sur internet, des cibles privilégiées telles que Greta Thunberg ou Alexandria Ocasio-Cortez ont été présentées dans des mèmes comme des nazis ou des démons déterminés à appauvrir la civilisation occidentale à travers leurs idées prétendument radicales pour lutter contre le changement climatique. Pour Catherine Fieschi l’interaction de la droite avec le climat dépasse le problème des frontières. La droite attise les craintes comme quoi les libertés personnelles sont attaquées par une élite libérale bien au chaud.
Catherine Fieschi a étudié et analysé le discours sur le climat à droite sur Twitter, Facebook, Instagram et d’autres plateformes de médias sociaux. "Vous entendez ces arguments manifestement populistes aux États-Unis et en Europe qui affirment qu’une élite corrompue, les médias et les gouvernements n’ont aucune idée de la vie des gens ordinaires lorsqu’ils leur imposent ces politiques climatiques rigoureuses".
Ce genre d’échange en ligne s’est intensifié depuis le début de la pandémie de la Covid-19, affirme Catherine Fieschi. Il se nourrit d’une chaîne de propagation de messages qui commence par de petits groupes conspirateurs de droite qui diffusent des messages qui sont ensuite repris par ce qu’elle appelle "le milieu de tableau", des gens avec des milliers de suiveurs (followers), puis diffusés à leur tour par de grands influenceurs et jusqu’au sein des formations politiques dominantes de centre-droit.
"Il y a ces accusations conspirationnistes comme quoi la Covid est un galop d’essai pour les restrictions que les gouvernements veulent imposer avec l’urgence climatique, et que nous devons nous battre pour nos libertés contre le port du masque et toutes ces règlementations climatiques", nous dit Fieschi. "Il y a une forte aspiration à une vie pré-Covid et un sentiment que les politiques climatiques ne feront que causer plus de souffrance".
"Ce qui est inquiétant", continue Catherine Fieschi, "c’est que des parties plus raisonnables de la droite, les conservateurs traditionnels et les Républicains, sont attirées par ce discours. Ils diront qu’ils ne nient pas le changement climatique, mais exploiteront ensuite ces idées." Les politiciens français de centre-droit avaient commencé à dénigrer les militants pour le climat comme "misérabilistes", tandis qu’Armin Laschet, le chef de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) qui cherchait à succéder à Angela Merkel, a déclaré que l’Allemagne devrait se concentrer sur sa propre industrie et son propre peuple face à des crises mondiales qui se multiplient.
Nativisme repeint en vert
L’interaction entre la protection de l’environnement et le racisme a certaines de ses racines les plus profondes aux États-Unis. Dans le passé, certaines des figures emblématiques du mouvement de protection de la nature adoptèrent des points de vue aujourd’hui généralement considérés comme exécrables. Au 19e siècle, la nature sauvage était considéré comme quelque chose de lié à une masculinité robuste et exclusivement blanche, et un destin manifeste exigeait l’expansion d’une frontière sûre.
Pour John Muir, connu comme le père des parcs nationaux états-uniens, les amérindiens étaient "sales" et ils "semblaient ne pas vraiment être à leur place dans le paysage". Madison Grant, figure de proue de la protection du bison américain et de la création du parc national des Glaciers, était un eugéniste déclaré qui plaidait pour que les races "inférieures" soient placées dans des ghettos. Il réussit à faire pression pour que le congolais, Ota Benga, soit exposé aux côtés des singes dans le zoo du Bronx. Cette focalisation sur les hiérarchies raciales finira par être adoptée dans l’idéologie des nazis – eux-mêmes des protecteurs déclarés de la nature.
Ces dernières années, il y a eu un début de prise en compte de ce passé troublant. Une statue en bronze de Theodore Roosevelt à cheval flanqué d’un homme d’origine américaine et d’un homme africain doit être retirée de la façade du Musée états-unien d’histoire naturelle de New York et au moins un groupe de protection de la nature nommé d’après le propriétaire d’esclaves et anti-abolitionniste, John James Audubon, est en train de changer de nom. Mais ailleurs, cette droite qui resurgit a repris à un mouvement écologiste libéral les thèmes d’une dangereuse surpopulation qui s’écarte désormais largement du sujet.
Aux Etats-Unis, les Républicains sont conscients que bon nombre de leurs jeunes électeurs sont rebutés par ce constant déni climatique, alors qu’ils voient leur avenir plongé dans les fumée des incendies de forêts ou les eaux des inondation. Les Républicains ont saisi leur chance. "La droite récupère cette ancienne rhétorique malthusienne de la population et l’utilise comme argument massue, mais en l’habillant de vert plutôt que dans des termes racistes impopulaires", déclare Blair Taylor, directeur de programme à l’Institut d’écologie sociale, un institut de recherche et d’éducation.
"Il est étrange que ce soit devenu un thème populaire justement dans l’ouest des États-Unis qui est peu peuplé et où ça n’a pas ralenti la destruction de l’environnement", ajoute-t-il. "Mais il s’agit de s’adresser aux peurs nativistes, pas de faire quoi que ce soit pour résoudre le problème."
Aux États-Unis le fer de lance du nativisme moderne est bien sûr Donald Trump. De même qu’il affiche une position souvent méprisante envers les connaissances scientifiques sur le climat, il a cherché à dépeindre les migrants du Mexique et d’Amérique centrale comme des criminels et des "animaux", tout en promettant de redonner aux citoyens états-uniens méritants un air pur et de l’eau pure. S’il doit y avoir une autre version d’une présidence Trump, ou une campagne réussie par l’un de ses acolytes, le déni scientifique sera peut-être un peu mis en sourdine, mais le réflexe nativisme sera conservé.
Le procès mené par les Républicains en Arizona pourrait être le prélude à un recadrage écologique du fétichisme de Trump pour les murs frontaliers si l’ancien président venait à se présenter à nouveau aux élections en 2024, les migrants étant à nouveau la cible. "Nous verrons des théories étranges qui répandront des accusations dans toutes les mauvaises directions", dit Taylor. "Toujours plus de murs, plus de frontières, plus d’exclusion - c’est probablement la direction vers laquelle nous nous dirigeons."
La protection de l’environnement a déjà été reformulée de cette façon et a donné lieu à des ramifications sous différentes formes dans toute la droite américaine, allant des survivalistes armés qui considèrent la nature comme un bastion à défendre contre les intrus - "une idéologie du "retour à la terre" où vous êtes celui qui gagne et fournit le pain, pas un gars efféminé aux mains douces", comme la décrit Taylor – aux praticiens du "wellness" ( recherche du bien-être) vaguement mystiques qui ont pris de l’importance en diffusant de fausses affirmations sur l’efficacité des vaccins contre la Covid-19.
D’après Taylor, ce dernier groupe comprend ceux qui sont fascinés par l’agriculture biologique, la culture viking, les théories complotistes extrémistes comme les délires de QAnon et qui rejettent la science et la raison en faveur de la découverte d’un "moi authentique". On retrouve toutes ces facettes disparates dans la personne de Jake Angeli, le prétendu chaman de QAnon qui faisait partie des émeutiers qui ont pris d’assaut le Capitole états-unien le 6 janvier. Angeli, devenu célèbre pour les cornes et la coiffe en peau d’ours qu’il portait pendant la violente insurrection, a été condamné à 41 mois de prison pour son rôle dans l’émeute. Il a attiré l’attention des médias car il refusait de manger la nourriture servie en prison parce qu’elle n’était pas bio.
Angeli avait déjà participé à une marche pour le climat pour promouvoir sa chaîne YouTube complotiste et déclara qu’il était en faveur d’ "écosystèmes nettoyés". Il a été décrit comme un éco-fasciste, un terme également appliqué à Patrick Crusius, l’homme de Dallas accusé d’avoir tué 23 personnes lors d’une fusillade de masse dans un magasin Walmart à El Paso, au Texas, en 2019.
Dans un document publié en ligne peu de temps avant la fusillade, Crusius écrivait : "L’environnement se détériore d’année en année… La prochaine étape logique est donc de diminuer le nombre de personnes aux Etats-Unis qui utilisent des ressources. Si on peut se débarrasser de suffisamment de personnes, alors notre mode de vie peut devenir plus durable." La fusillade est survenue juste quelques mois après le massacre terroriste de 49 personnes dans deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande. L’auteur se décrivait comme un éco-fasciste mécontent du taux de natalité des immigrés.
De tels actes violents extrêmes résultant de croyances éco-populistes de droite sont encore rares, mais la " "alt right" (ou "droite alternative") [2] s’est habilement saisie de ces inquiétudes pour les rendre populaires", affirme Taylor. "Elle a renforcé l’idée que la nature est un lieu de survie sauvage qui nous ramène à la société d’origine, que la nature elle-même est fasciste parce qu’il n’y a pas d’égalité dans la nature. C’est ce qu’ils croient."
Les défenseurs des victimes qui fuient les catastrophes provoquées par les changements climatiques espèrent qu’il y aura une évolution dans l’autre sens. Certains plaident pour un nouveau cadre international pour les réfugiés. La Convention des Nations Unies sur les réfugiés ne reconnaît pas les changements climatiques et leurs conséquences comme raison pour les pays de fournir un abri aux réfugiés. Avec l’intensification des déplacements forcés à cause des sécheresses, inondations et autres catastrophes, la nécessité d’une réforme de la convention se fera plus pressante. Mais en ouvrant ce chantier, on pourrait tout autant risquer un recul qu’obtenir des avancées, compte tenu de la prépondérance du populisme et de l’autoritarisme dans de nombreux pays.
"Les grands acteurs ne s’intéressent pas à la modification des définitions concernant les réfugiés - en fait, les États-Unis et le Royaume-Uni rendent encore plus difficile la demande d’asile", déclare Turner. "Je pense que ce à quoi on va assister dans les pays du Sud, c’est que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur d’un même pays va augmenter et que le fardeau, comme c’est déjà le cas, va retomber sur les pays voisins."
En fin de compte, l’intensité des souffrances que causera le réchauffement climatique et la sévérité de plus en plus grande des mesures requises pour y faire face aideront à déterminer la réponse de l’extrême droite. Alors qu’un nombre croissants de personnes appelleront à une action climatique, toute restriction imposée par les gouvernements fournira une justification à la droite sur le bien fondé de ses avertissements contre des élites qui réagissent de façon excessive.
Catherine Fieschi prévient : "J’ai l’impression que nous ne ferons pas assez pour éviter que d’autres supportent tout le poids. La solidarité a ses limites, après tout. Bien sûr, vous voulez le bien de tous les enfants du monde. Mais en fin de compte, vous donnerez la priorité à vos enfants."
La recherche pour cet article a été rendue possible grâce au soutien de la Fondation Heinrich Boell, la Bourse transatlantique des médias de Washington DC.
Traduction : Christian Berdot, Amics de la Terra de las Lanas