Les documents publiés mardi 1er août dans le cadre d’un procès contre Monsanto soulèvent de nouvelles questions sur les efforts entrepris par cette compagnie pour influencer les media et la recherche scientifique et révèle aussi qu’il y a eu débat en interne sur l’innocuité de son produit phare, l’herbicide Roundup.
Article de Danny Hakim 1er Août 20017 sur le site du New York Times. Traduction Christian Berdot, Amis de la Terre.
Lien : https://mobile.nytimes.com/2017/08/01/business/monsantos-sway-over-research-is-seen-in-disclosed-emails.html?smid=tw-share&referer=http://m.facebook.com
Les documents soulignent jusqu’à quelles extrémités la compagnie est prête à aller pour protéger son image. Les documents montrent que Henry I. Miller, un universitaire fervent partisan des plantes modifiées génétiquement a demandé à Monsanto de lui préparer le brouillon d’un article qui ressemblait largement à celui qui parut sous son nom, sur le site de Forbe’s en 2015. Mr Miller n’a pas être joint pour commenter cette information.
Le même type de problèmes se retrouve dans la recherche scientifique. Un universitaire impliqué dans la rédaction de recherches financées par Monsanto, John Acquavella, un ancien salarié de Monsanto, exprime sa gêne par rapport à cette procédure et écrit en 2015 dans un mail à Monsanto, "Je ne peux pas participer à cette tromperie sur le nom de l’auteur dans une présentation ou une publication". Il ajoutait sur la façon dont la compagnie essayait de présenter la paternité du document : "Ces articles sont écrits par d’autres et contraires à l’éthique".
Un responsable de Monsanto explique que le commentaire est le résultat d’un "malentendu complet" qui "a été résolu", tandis que Mr Acquavella écrivait dans un mail mardi, qu’il n’y avait "pas de rédacteurs anonymes" et que ce commentaire portait sur une ébauche précédente et une question sur les auteurs qui avait été résolue.
Les documents révèlent aussi que des discussions sur l’innocuité du Roundup ont eu lieu en interne.
Dans un mail interne de 2001, un scientifique de Monsanto écrivait : "Si quelqu’un venait me trouver et me disait qu’il veut tester le Roundup, je sais quelle serait ma réaction - je serais très inquiet". [1]
Monsanto s’est déclaré scandalisé par la publication des documents publiés par un cabinet d’avocats.
Pour Scott Partidge, vice-président de la stratégie mondiale de Monsanto "Il y a une ordonnance permanente de confidentialité qui a été violée". Bien que "nous ne puissions revenir sur cette fuite", Monsanto va demander des sanctions contre ce cabinet.
Mr Partridge ajoute "Ce que nous voyons, ce sont des extraits choisis qui peuvent donner une mauvaise impression, mais ni le fond, ni les faits scientifiques ne sont concernés".
R. Brent Wisner, membre du cabinets d’avocats Baum, Hedlund, Aristei & Goldman qui a publié les documents, affirme pour sa part que Monsanto s’est trompé en ne déposant pas une requête nécessaire pour demander une protection continue des documents. D’après Monsanto, il n’y avait pas besoin d’une telle requête.
Pour Mr Wisner "Il est clair que les avocats de Monsanto ont fait une erreur. Il n’ont pas pris les mesures correctes pour protéger la confidentialité de ces documents".
Il rajoute : "Maintenant, le monde peut voir ces documents qui, sinon, seraient restés secrets".
L’article de Mr Miller paru en 2015 sur le site de Forbes attaquait les résultats du Centre internationale de recherche sur le cancer, qui dépend de l’Organisation mondiale de la Santé, qui classaient le glyphosate comme cancérigène probable, un résultat contesté par d’autres organismes. Dans les échanges de mails [2], Monsanto demanda à Mr Miller s’il serait intéressé d’écrire un article sur le sujet et celui-ci répondit : "Ca m’intéresserait si je pouvais partir d’une ébauche de très bonne qualité".
L’article est apparu sous le nom de Mr Miller avec cette mention "les opinions exprimés par les collaborateurs de Forbes n’engage pas Forbes". Le magazine n’évoqua à aucun moment une implication de Monsanto dans la préparation de l’article.
Mr Miller n’a répondu à aucun des nombreux appels ou tweeds lui demandant de commenter cette affaire et la Fondation Hoover dont il es membre, ne pouvait le joindre.
Pour Mr Partridge de Monsanto "Il s’agissait d’une initiative conjointe, fonction de l’indignation exprimée par de nombreuses personnes à propos des attaques contre le glyphosate. Ce n’est pas un journal scientifique faisant l’objet d’un examen par des pairs. Il s’agit d’un éditorial sur lequel nous avons collaboré avec lui".
Mia Carbonell, une des prote-paroles de Forbes déclarait : "Nous prenons cette affaire très au sérieux et sommes en train de l’examiner".
Le travail de Mr Miller est paru aussi dans les pages d’opinions du New York Times.
Sam Murphey, un porte-parole de Monsanto affirme que "Nous n’avons jamais payé Mr Miller. Nos scientifiques n’ont jamais travaillé avec Mr Miller sur ses exposés pour le New York Times. Nos scientifiques ont occasionnellement travaillé avec Mr Miller sur d’autres articles".
James Dao, rédacteur des éditoriaux du Times affirme dans une déclaration : "Les collaborateurs des éditoriaux du Times doivent signer un contrat exigeant qu’ils évitent tout conflit d’intérêt et dévoile tout intérêt financier concernant le domaine traité dans leur article".
Les documents montrent que le débat qui avait lieu à l’extérieur, sur l’innocuité relative du glyphosate et du Roundup qui contient d’autres produits chimiques, avait aussi lieu entre les murs de la compagnie.
En 2002, un responsable de Monsanto écrivait dans un mail : "Ce que je vous ai entendu dire c’est que c’est toujours le cas avec ces études - le Glyphosate est OK, mais le produit formulé ( et dont les tensioactifs) provoque les dommages". [3]
Dans un mail de 2003, un autre responsable de Monsato écrit à d’autres : "Vous ne pouvez pas dire que le Roundup n’est pas cancérigène… nous n’avons pas procédé aux tests nécessaires sur cette formulation pour pouvoir l’affirmer".
Elle ajoute cependant : "Nous pouvons affirmer cela pour le glyphosate et laisser entendre qu’il n’y a aucune raison de penser que le Roundup pourrait provoquer des cancers". [4]
Les documents montrent aussi que A. Wallace Hayes, l’ancien éditeur du journal Food and Chemical Toxicology avait une relation contractuelle avec Monsanto. En 2013, alors qu’il était éditeur, Mr Hayes escamota une étude essentielle préjudiciable à Monsanto qui trouvait que le Roundup et le maïs génétiquement modifié pouvaient provoquer des cancers et des morts prématurées chez des rats.
D’autres articles sur le site des Amis de la Terre :
"Glyphosate et cancer : Comment l’industrie influence et manipule les média"
"Glyphosate cancérigène ? Quand l’industrie dicte ses propres évaluations !"
"Monsanto emploie un service entier pour discréditer tout scientifique qui s’oppose à lui."