Egypte : les Egyptiens se font-ils voler leur révolution ?

jeudi 27 octobre 2011
par  Yan lou Pec
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Voici la traduction des conclusions d’un article très intéressant de Adam Hanieh de l’Ecole d’étude orientales et arabes de l’Université de Londres. L’article complet est paru sur le site Jadaliyya ( http://www.jadaliyya.com/pages/index/1711/egypt’s-‘orderly-transition’-international-aid-and )

Il s’agit d’un article analysant la situation Égyptienne (et qui peut tout aussi bien s’appliquer à la Tunisie et maintenant la Lybie). Si les révolutions populaires ont permis de mettre dehors des dictateurs nord-africains, il est extrêmement alarmant de constater la rapidité de réaction des Institutions financières internationales, Banque mondiale, FMI, BEI (1re à visiter la Tunisie après la révolution), BERD.

Toutes se pressent dans ces pays, poussées par le G8, pour s’assurer que les politiques de libéralisation, privatisation et dérégulation qu’elles défendent ne seront pas ébranlées par les révolutions. Les peuples égyptiens et tunisiens ont donc une dictature bien plus puissante à affronter maintenant : celle des pays occidentaux et de leurs programmes néolibéraux et prédateurs.

Signe de la sensibilité du sujet : la BEI a réagit avec une violence rare au 1er communiqué de la coalition Counter Balance - dont les Amis de la Terre sont membres - sur le sujet. Avec Counter Balance nous sommes en lien avec des organisations tunisiennes pour bosser là dessus.

Egypte : une transition ordonnée ? L’aide internationale et la ruée vers l’ajustement structurel

Conclusion

Les projets d’investissements mentionnés au-dessus, ne sont pas les seuls aspects du projet néo-libéral soutenu par les Institutions Financières Internationales (IFI) en Egypte. Mais fondamentalement, cette aide confirme une intervention délibérée des gouvernements de l’Ouest dans le processus révolutionnaire de l’Egypte. Les projets de grandes infrastructures et les autres projets économiques vont certainement fournir à très court terme, des emplois, des logements et des formations et peut-être même l’apparence d’un retour à la stabilité, étant donné le sentiment prédominant de « crise ». Ces investissements ne sont cependant que les prémisses d’une profonde libéralisation de l’économie égyptienne. Ils ne vont être réalisés que SI des mesures sont prises concomitamment, telles l’accroissement des privatisations (sans aucun doute sous forme de PPP ou partenariat -public-privé), la dérégulation (au début, probablement liée à l’ouverture d’autres secteurs aux investissements étrangers), la réduction des barrières douanières (en lien avec un accès aux marchés des Etats-Unis et de l’Union européenne) et l’expansion du secteur informel (sous la le slogan de la réduction de la bureaucratie). En outre, Ils vont nécessairement entraîner une expansion rapide de la dette globale de l’Egypte et lier le pays toujours plus fermement à de futurs paquets d’ajustements structurels.

Si ce projet ne rencontre pas d’opposition, il menace de réduire à néant les succès du soulèvement égyptien. Comme l’expérience égyptienne de plusieurs décennies de néo-libéralisme ne l’illustre que trop clairement, ces mesures vont renforcer la pauvreté, la précarité et l’érosion des conditions de vie de la grande majorité des Egyptiens. Dans le même temps, ce flot financier va aider à renforcer la petite élite affairiste et militaire du pays, en tant qu’unique couche de la société qui va profiter d’une libéralisation accrue de l’économie. L’expansion des partenariats-public-privé (PPP), par exemple, va offrir des possibilités énormes aux plus grands groupes du pays d’acquérir des intérêts dans les principaux projets d’infrastructures et les autres secteurs privatisés de fournitures de service. Parallèlement aux investisseurs étrangers, ces groupes vont profiter de la dérégulation du marché du travail, de la libéralisation des activités agricoles et de vente au détail et de l’accès potentiel aux marchés à l’exportation des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Ces mesures ont aussi un impact régional. Leurs principaux bénéficiaires vont être les Etats du Conseil de Coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Koweït, Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Qatar et Oman) qui jouent un rôle très visible et complémentaire aux côtés des Institutions Financières Internationales. L’Arabie Saoudite a promis 4 milliards de dollars à l’Egypte, dépassant ainsi les montants promis par les Etats-Unis et la BERD. La Kuwait Investment Authority annonçait en avril un fond souverain de 1 milliard de dollars qui investirait dans les compagnies égyptiennes. Le groupe koweitien, Kharafi Group, qui avait obtenus des accords de partenariat-public-privé en 2010 dans le secteur énergétique égyptien et dont on estime qu’il a déjà investi 7 milliards de dollars en Egypte, a annoncé qu’il allait sortir un prêt de 80 millions de dollars pour des investissements en Egypte. Selon son ambassadeur en Egypte, le Qatar pense investir à hauteur de 10 milliards de dollars en Egypte.

Comme pour les investissements des états occidentaux, cet afflux de finances en provenance des pays du Conseil de Coordination du Golfe est conditionné à une libéralisation accrue de l’économie égyptienne, le plus probablement par l’intermédiaire des partenariats-public-privé. En effet, Essam Sharaf, le premier ministre égyptien par intérim et Samir Radwan le ministre des finances ont fait plusieurs voyages jusqu’aux pays du Golfe, dans le but de vendre des projets de partenariats-public-privé, notamment dans les secteurs de l’eau, des eaux usagées, des routes, de l’éducation, de la santé et de l’énergie. L’annonce faite par les bourses de Dubaï et de l’Egypte d’autoriser une double cotation des actions dans leurs bourses respectives, donnait une indication sur la direction que prennent ces efforts. Ces mesures vont autoriser les compagnies privatisées ou les instruments de placements à être cotés dans les deux bourses, facilitant ainsi un accroissement du flux de capital vers l’Egypte en provenance des pays du Golfe.

Pour l’essentiel, les initiatives financières annoncées ces dernières semaines ne sont qu’une tentative de se lier toujours plus étroitement aux pays occidentaux, certaines couches sociales, comme les élites militaires et commerciales, les familles dirigeantes et un large conglomérat des pays du Golfe, etc. Le processus révolutionnaire en Egypte représente une attaque contre ces éléments du monde arabe. Ce soulèvement ne peut être réduit à la question de la « transition démocratique », précisément parce que la forme politique de l’état sous Moubarak était le reflet de la nature du capitalisme dans le pays et que le soulèvement défiait aussi implicitement la position de ces élites. Les mobilisations exemplaires qui continuent dans les rues égyptiennes confirment que ces aspirations sont fermement maintenues. L’aide financière occidentale doit être comprise comme étant une intervention dans ce combat permanent, comme une tentative d’utiliser ce sentiment de « crise économique » pour refaçonner la société égyptienne contre les intérêts de la majorité des Egyptiens et de détourner la révolution des objectifs qu’elles doit encore atteindre.

Adam Hanieh


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