Résumé
Nous avons, vu dans nos articles précédents comment d’une simple analyse d’un document banal l’un de nos adhérents et élu municipal a soulevé un lièvre d’importance : La mauvaise qualité de l’eau distribuée par le SIBVA.
De fil en aiguille, nous avons découvert qu’Orist n’était pas un cas isolé.
Tout ceci a été largement confirmé par Que Choisir en deux temps.
Un arrêté préfectoral concernant Orist a été signé le 10/02/2017, mais cet arrêté est il vraiment la bonne réponse ? Nous verrons que non, s’il corrige partiellement le problème, il ne le résout pas, tout en en créant d’autres.
La présence de pesticides dans l’eau est d’origine agricole. La surface des aires d’alimentation des captages est importante, et la présence sur celles ci de pratiques agricoles anciennes sont la cause de la pollution des nappes, nous le démontrons.
Des travaux d’évaluation des aires d’alimentation des captages sont entrepris dans la plus grande discrétion. Ils portent sur trois points noirs landais. Nous craignons qu’ils ne débouchent sur aucune décision à la hauteur du problème. Nous nous permettrons de suggérer des pistes à notre sens un peu plus réalistes
Orist
Prenons l’exemple d’Orist -Figure 1- : les 3 forages puisent une eau contenant des pesticides entre 50 et 60 m de profondeur. On peut se poser plusieurs questions :
Figure 1 : Limite d’Orist positionnement des forages, de l’usine d’EDCH, et chevelu du Lespontès
- D’où viennent ces polluants ?
- Quelle surface de culture est en cause ?
- Comment résoudre le problème par la prévention ? Pour la première question, les polluants viennent des épandages agricoles de pesticides, il n’est plus besoin de le montrer.
La dernière interrogation ne doit pas être ambiguë, il ne s’agit pas de prévenir, de diminuer, mais bel et bien de supprimer les causes. Ici la réponse est simple, sur les surfaces impactées il faut supprimer l’utilisation de pesticides. Et c’est une obligation. C’est dans ce type de situation que la politique et les élus qui l’incarnent montrent toute leur noblesse.
Reste la question centrale : quelles sont les surfaces qui sont en cause ?
Figure 2 : Protection F3
Il existe des surfaces de protection des captages. Elles sont définies dans les arrêtés préfectoraux qui autorisent l’utilisation et la protection des forages d’eaux brutes pour la consommation humaine. Sont elles suffisamment étendues, et les dispositions contenues dans l’arrêté préfectoral qui réglemente leurs utilisations sont elles efficaces ?
Le Lespontès pose problème. Ce petit ruisseau de 13 km est fortement pollué par ces mêmes pesticides. Pollue t il les captages pour partie par infiltration, ou déverse t il ses polluants dans l’Adour. Il se pourrait bien qu’il ait une influence sur le forage F3.
Petit calcul d’ordre de grandeur
Nous allons partir de l’existant (la quantité de pesticides extraite annuellement), et remonter vers les surfaces nécessaires pour les épandre. Attention, ce ne sont que des calculs d’ordre de grandeur, nous n’avons pas la prétention de détenir la vérité. Nos calculs sont très approximatifs, mais un ordre de grandeur même peu précis vaut mieux que rien.
Nous prendrons les hypothèses suivantes (résumé) :
- - Moyenne annuelle déterminée de 1µg/l d’ESA Métolachlore dans l’eau pompée
- - Volume d’eau annuel pompée à Orist 2 300 000 m³
- - Part de l’ESA Métolachore dans la décomposition du S-Métolachlore : 12 %
- - E-Mtc et Mtc dans les nappes par lixiviation, ou ruisseau par ruissellement 0,2 à 2 % issu de la littérature
- - Nous supposons 1 passage par an sur chaque parcelle de maïs
- - Quantité de S-Métolachlore répandue par ha : 2 litres ; on a la main lourde, cela fait moins de surface
- - Moyenne annuelle de 0,5 µg/l d’ESA Métolachlore dans le Lespontès
- - Débit moyen annuel du Lespontès 0,3 m³/s. Avec tout ceci nous obtenons le tableau 1 :
Tableau 1 : Origine de l’Esa-MétolaChlore dans les nappes et le Lespontès
La surface de culture pour 100 % dans la nappe permet d’évaluer la surface nécessaire de traitement avec l’hypothèse que tout l’Esa Métolachlore se retrouve dans le captage sans perte, ou dans le Lespontès sans perte.
La ligne Surface pondérée indique la surface de cultures nécessaires si l’on prend en compte les données de la littérature concernant la part transférée dans le captage, ou le ruisseau.
Attention les surfaces indiquées supposent une indépendance d’influence entre le Lespontès et l’aire de Captage. Le Lespontès fait 13 km, ses affluents sont hors de l’aire de captage, et la mesure est prise à Orist, avant la zone de pompage.
Il semblerait donc qu’une surface de plus de 1 000 ha de cultures avec pesticides soit nécessaire pour polluer les 3 forages d’Orist avec les taux relevés actuellement.
Nous avons pris rendez vous avec l’hydrologue géologue du département pour qu’il nous éclaire sur la manière dont le captage d’Orist est alimenté. Au cours de la discussion, il nous a donné ce qui serait probablement l’aire d’alimentation des captages d’Orist. Il nous a bien précisé que ce tracé ne repose que sur une estimation à priori et à dire de spécialiste. Elle devra être confirmée par des travaux de recherche. La surface de la zone d’alimentation déterminée approximativement est de l’ordre de 1 700 hectares. Cette surface comprend de la terre agricole, mais aussi de l’urbanisme, des bois...
La figure 3 montre cette aire avec le positionnement des parcelles cultivées et leurs cultures principales (Données SIG catalogue Inspire).
Figure 3 La zone potentielle de l’aire de captage, les cultures
Le Tableau 2 nous donne les surfaces par type de culture dans la zone potentielle de l’aire de captage.
Tableau 2 : Surfaces et type de culture Zone Captage
Nous voyons rapidement que ces chiffres sont compatibles avec notre estimation. Les cultures céréalières représentent un peu plus de 1 000 ha, ce qui correspondrait à une valeur de lixiviation par percolation de 1 % de l’Esa Metolachlore vers les nappes phréatiques. Cette valeur correspond au milieu de la fourchette pour ces substances. Notre calcul d’ordre de grandeur rejoint l’estimation en surface de l’Hydrologue géologue du département.
PPC
Rappelons qu’à l’issue de l’enquête publique pour chaque forage destiné à produire de l’eau brute, le préfet prend un arrêté. Cet arrêté définit les PPC (Périmètres de Protection du Captage). Ces périmètres de protection comprennent 3 zones. Voici l’exemple du forage F3 :
Figure 4 : PPC Forage F3, hachures bleue protection rapprochée, beige éloignée.
- Zone de protection immédiate (obligatoire), ici 0,06 ha
- Zone de protection rapprochée (obligatoire), ici 56 ha
- Zone de protection éloignée (facultative) mais présente, ici 18 ha
Nous venons de démontrer que les surfaces de protection sont très certainement insuffisantes pour assurer une protection efficace des forages. Pour le forage F3 la surface de protection rapprochée (Hachure bleue ciel) est de 56 ha et la surface de protection éloignée 18 ha (hachure beige) -Figure 4-. Nous sommes très loin du nécessaire, et de plus une partie des parcelles sous la zone de protection rapprochée est cultivée en maïs si l’on en croit les données de 2012.
L’utilisation de pesticides n’est pas interdite par l’arrêté préfectoral ni dans la zone de protection rapprochée, ni dans la zone de protection éloignée, il est juste indiqué que l’utilisation est limitée au strict minimum.
Pour compléter la notion d’ordre de grandeur, il est à noter que le Forage F4 est le plus éloigné des champs de céréales. Il est à 500 m du premier champ, ce qui nous fait un cercle de protection naturelle de 78 ha. Ce cercle de fait est inefficace puisque ce forage a une pollution moyenne par l’ESA Métolachlore de 0,66 µg/l, avec des pointes à 1,1µg/l.
AAC
Une AAC (Aire d’Alimentation de Captage) est une nouvelle disposition de protection des captages d’eau brute en vue de l’AEP (Alimentation Eau Potable) -Figure 5-. Elle est beaucoup plus étendue, et peut se résumer à la définition suivante ]] :
La surface où toute goutte d’eau tombée au sol est susceptible de rejoindre le captage par lixiviation ou ruissellement..
- Figure 5 les Aires d’Alimentation de Captage.
L’AAC intègre dans sa surface une ZP (Zone de protection), et les PPC dont nous venons de voir l’inutilité lors de pollutions diffuses]].
La ZP est l’intersection entre la carte des pressions agricoles et autres, l’état de la qualité de l’eau concernée, la vulnérabilité de la nappe.
C’est la ZP qui sera l’objet d’un arrêté préfectoral qui définira les actions à mettre en œuvre pour empêcher toute pollution de la ressource. Hélas ces prescriptions ne seront pas contraignantes, mais de l’ordre de la recommandation, d’incitations avec compensations financières. Elles ne pourront devenir obligatoires que lorsqu’un délais de trois ans ajustable à un an si l’inefficacité des mesures prises est démontrée. Dans ce cas, le préfet peut mettre en œuvre une ZSCE (Zone Sous contrainte Environnementale).
La différence entre les PPC (Périmètre de Protection des Captages), et AAC (Aire d’alimentation des Captages) est donnée -Tableau 3 -.
Tableau 3 : Différences entre PPC et AAC
Nous avions vu que pour la PPC des forages d’Orist, le préfet à l’époque n’avait pas jugé utile d’interdire l’utilisation des pesticides. Pour les AAC, il n’en aura pas l’occasion, puisque comme défini tableau 3, il ne pourra prendre dans son arrêté que des mesures incitatives, basées sur le volontariat. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il pourrait prendre des mesures contraignantes, si les résultats ne sont pas au rendez vous.
Le 17/02/2017, soit 10 jours après le décret préfectoral instituant la dérogation pour la distribution des EDCH d’Orist, une carte était diffusée par la préfecture. Cette carte indiquait que les captages d’Orist, de St Gein, et de Pujo le Plan ont été intégrés dans les procédures d’AAC. Un appel d’offre a été effectué en janvier 2017 pour déterminer les AAC et ZP de ces lieux et en particulier d’Orist.
Nous avons également découvert dans un rapport du Bassin Adour Garonne]] du 15/01/2016 page 143 qu’Orist était classé en ZPF (Zone protégée pour le Futur), et ZOS (Zone à Objectif plus Strict pour le futur) pour les ressources en eau. Ces zones doivent être déterminées avec précision d’ici 2021. Ces zones indicatives de tailles identiques sont composées de deux surfaces pour un total de 988 ha -Figure 6-. Les Landes sont relativement concernées par ces zones
Figure 6 : ZOS et ZPF pressentie pour Orist
Rien de tout cela ne figure ou n’est cité dans l’arrêté du préfet concernant la dérogation. Or le préfet devra rapidement signer trois arrêtés :
- Définition de la ZP de l’Aire d’Alimentation du Captage.
- Modalité des mesures volontaires et incitatives à prendre
- Définition des obligations sous ZSCE si le deuxième arrêté ne permet pas de résoudre le problème. Le dernier arrêté peut être pris d’un à deux ans après les deux premiers page 118
Préconisations
Nous l’avons vu, il est maintenant évident que les zones de protections définies par les arrêtés préfectoraux sont totalement inefficaces pour lutter contre les pollutions diffuses produites par les pesticides. Leur inefficacité repose sur deux plans complémentaires :
- Surfaces protégées beaucoup trop faibles,
- Prescriptions de protection totalement insuffisantes.
Un travail intéressant est en cours, il rejoint nos demandes. La recherche des AAC (Aires d’Alimentation des Captages) est une excellente chose. Une fois les surfaces connues, un travail aussi important qu’urgent doit être entrepris. Il faut supprimer l’épandage des pesticides sur la ZP (Zone de Protection) de l’AAC.
Nous sommes conscients que ce dernier objectif est difficile à atteindre. Le monde agricole est très fragilisé. Mais la nouvelle agriculture biologique avec circuit court est en train de démontrer tout son intérêt, sa rentabilité. Elle permet un fort potentiel de créations d’emplois. Paramètre que nos politiques n’arrivent pas à intégrer, alors qu’ils sont obnubilés par la création de nouveaux emplois. Il faudra pour les agriculteurs concernés beaucoup de formations, d’investissement intellectuel, de remise en cause, cette agriculture est très technique. Il faudra à l’autorité politique et administrative beaucoup de volonté, et d’imagination, pour passer ce cap. Mais le progrès ne s’obtient pas sans effort. L’image de marque de la zone en sera très fortement renforcée.
Si ce travail de protection réelle des aires d’alimentation n’est pas fait, si l’autorité se contente de motivations impulsées par des recommandations, alors rien ne sera résolu. L’échec du plan Ecophyto est l’exemple parfait de ce genre d’initiative. Il est bon de rappeler que l’objectif de ce plan était de réduire la quantité de pesticides utilisée de 50 % entre 2008 et 2018. En fait, la consommation de pesticides a augmenté de 6 % en moyenne sur la période 2008 - 2015.
La mesure de nettoyage de l’eau préconisée n’est qu’un palliatif. Elle est coûteuse, son efficacité n’est pas démontrée. Elle introduit d’autres problématiques comme le retraitement des ensembles pollués. Elle fait porter indéfiniment un coût inutile sur les consommateurs d’eau. Le principe du pollueur payeur se transforme en pollué payeur. Enfin la libération de ce type de molécule dans l’environnement est porteuse de dangers potentiels. Nous sommes au début de la connaissance des effets directs, indirects et combinés des substances chimiques libérées dans l’environnement. Le rapport de l’Inserm de 2013 est éloquent sur ce sujet.