Hyper, super, la loi du plus fort

mercredi 13 juillet 2016
par  Maitre de la toile
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Il était une fois, dans le Landerneau Breton un ancien séminariste devenu épicier. Ce sympathique innovant allait fomenter une révolution. Certes, il n’était ni Karl Marx, ni Adam Smith, mais son impact fut considérable. En créant son épicerie en 1949, Edouard Leclerc [1] allait en une vingtaine d’année bouleverser le système de distribution. Son objectif est simple : diminuer le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur. L’idée est intéressante, puisqu’en raccourcissant et simplifiant ce que l’on nomme aujourd’hui la ’ Supply Chain [2] ’, on réduit les coûts, et on fait baisser les prix. Les outils sont simples, moins de logistique, davantage de poids dans la négociation, des marges plus faibles compensées par des volumes plus importants. Le consommateur s’y retrouve, car il bénéficie de l’efficacité de son commerçant, et paye moins cher ses achats. Et c’est vrai. Les prix de l’alimentation évoluent moins vite que l’inflation. Mais toute médaille a son revers… Petit à petit un système perverti s’est installé. Il consiste au travers d’une politique affichée d’intérêt du consommateur par un prix de produits au plus juste, de s’approprier la plus grande partie de la valeur ajoutée liée à la consommation des ménages.

La grande distribution alimentaire

Comme une bonne idée est toujours reprise, d’autres bienfaiteurs de l’humanité ont fait prospérer, et évoluer le concept. C’est ainsi que nous avons vu apparaître de nombreux groupes français de GSA (Grande Surface Alimentaire). De regroupements en rachats, le nombre s’est réduit, il ne demeure en France que six entités principales. Carrefour est devenu le deuxième distributeur mondial. Le premier étant, Walmart [3] .

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Tableau 1 : Les types de commerces national et BAB

Dans une conférence à la CCI de Bayonne, Pascal MADRY grand spécialiste de la commercialisation indique que la France a perdu près de 50 % de ses points de vente depuis le libération, alors que sa population a doublée. Les chaînes de distribution tous secteurs confondus assurent 85 % du commerce national (Alimentation, bricolage, ameublement, sport, habillement...). Il précise la répartition des points de ventes et de leurs poids économique au national et sur le BAB -Tableau 1- [4].

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Tableau 2 : Les grands groupes Français de GSA, CA et part de marché

Les grandes surfaces de distribution alimentaires (Hyper et super) représentaient plus de 60% des ventes totales du commerce alimentaire en magasins et près de 45% des ventes en volume du commerce de détail -Tableau 2- [5]. Elles emploient environ 600 000 salariés. On comprend mieux le rêve de certains politiques qui voient dans les grandes surfaces un moyen de créer de l’emploi, alors qu’ils ne voient pas la destruction de l’emploi dans les petites structures de proximité conséquence de l’implantation d’un hyper ou super marché.

Dans un deuxième temps, les grands groupes de distribution ont créé leur centrale d’achat. L’objectif est clair peser sur les prix amont, rationaliser les approvisionnement libérer les centres de distributions qui se concentrent sur l’écoulement des produits. Il existe quatre centrales d’achats principales. A elles seules elles constituent 90 % du secteur [6].

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Tableau 3 : Part de marché des 4 principales centrales d’achat grande distribution

Leur capacité de commande en fait un redoutable moyen de pression sur les fournisseurs. Quel est le poids d’un producteur de quelques tonnes de pommes Lot et Garonnais face à un responsable d’achat qui a la capacité d’acheter les pommes par cargos entiers en Afrique du Sud ou ailleurs ?

Complément des centrales d’achat, les plates formes de distribution locales assurent une autre arme redoutable, elles donnent plusieurs avantages supplémentaires :

  • Meilleur remplissage des camions
  • Réduction des stockages
  • Souplesse d’approvisionnement
  • Possibilité de stockage gros volumes (fin de séries, promotions...)
  • Masquage des besoins pour les fournisseurs.
  • Maîtrise de la logistique.
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Figure 1 : La logistique des plate formes de distribution source Setra

Grâce aux centrales d’achat, et aux plate formes, les GSA possèdent des atouts considérables dans la négociation, et la formation des prix avec leurs fournisseurs. Elles usent et abusent de leur position dominante. Elles ont été condamnées à plusieurs reprises [7]. Si la lutte est acharnée pour la conquête des clients, la dysmétrie entre fournisseur et centrale d’achat est à l’avantage des GSA, qui ont toutes les cartes en main. Elles peuvent peser sur les prix, mais aussi sur des ’ aides ’ et autres ’ marges arrières ’ des fournisseurs. La maîtrise du stockage dans les plates formes de distribution permet de raccourcir les délais d’acheminement et d’optimiser les flux de livraison vers les points de vente (camions mieux remplis, moins nombreux). Ceci permet une rotation extrêmement rapide des stocks. Ainsi, le paiement sous 47 ou 70 jours assure des besoins en fond de roulement négatif. Autrement dit, un magasin de distribution a vendu le lot acheté avant que le groupe ait l’obligation de le payer au fournisseur. C’est un effet banque des GSA.

Les Fournisseurs

Nous connaissons des marques mais rarement le groupe dont elles dépendent. Pourtant presque tout ce que nous achetons dépend plus ou moins directement de 10 majors compagnies [8] Une représentation est donné en annexe. Mais malgré leur taille, ces majors compagnies ne sont pas en mesure de peser fortement dans la négociation sur les prix. Et les conditions sont pires pour les autres fournisseurs de taille inférieures. Ce sont les centrales d’achats des GSA qui donnent le tempo, car elles maîtrisent le client final.

L’agriculture française est le fait d’exploitations familiales, certes elles ont beaucoup grandi, mais, elles sont dérisoires avec leurs volumes de production. Dans un monde ’ d’une concurrence libre et non faussée ’, l’axiome de Lacordère prend ici tout son sens : ’Entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservie, et la loi qui affranchie ’. Surtout quand la loi est faite avec la pression de sociétés comme Monsanto. ’ J’ai identifié les deux faces de ma personnalité. Je suis un idéaliste en croisade, mais aussi un croyant froid, impavide comme le granit, de la loi de la jungle.’ dans ’The spirit of entreprise’ . C’est d’Edgar Monsanto Queeny patron de la société Monsanto, de 1943 à 1963. En matière d’agriculture, il y a bien longtemps que la FNSEA a pris fait et cause pour l’industrie agroalimentaire, celle des 10 majors et de la grande distribution. Ce sont les céréaliers qui font la FNSEA, pas les éleveurs, les maraîchers, ou les arboriculteurs. Si nous voulons manger saint il faudrait peut être soutenir les petits producteurs. Si non c’est le type de production du Sud de l’Espagne qui nous guette. Serres et élevages porcins à l’infini, odeurs et pollutions épouvantables.

Prenons un producteur haricots verts, de poulets label rouge, ou de Maïs doux. Il est sous contrat avec une grosse structure qui est à a fois son fournisseur et son client. Elle fournie tout, la semence les intrants, le technicien conseil définie les dates de semis, les traitements, la récolte. Ces nouveaux agriculteurs ne seraient ils pas retournés dans un métayage moderne que leurs grands parents avaient réussi à abolir ?

Aujourd’hui

<iemb1502|center>Figure 2 : Evolution du CA des groupes de GSA

Les GSA se livrent une concurrence redoutable, dans la captation des clients qui sont leur source de richesse. Tout le territoire est équipé, et lorsqu’un groupe n’est pas présent sur une zone, il cherche à s’y implanter, pour mieux mailler le territoire nous le verrons plus loin. C’est le résultat d’une politique de concurrence libre et non faussée, seul un gagnant à terme quelle que soit la course et le nombre des autres participants tous perdant ’in fine’. Mais tout n’est pas rose pour autant. Certes les bénéfices sont encore là mais quelques problèmes apparaissent. Par exemple la croissance du chiffre d’affaire des GSA est stoppée depuis 2007, et baisse de plus de 4 % entre 2010 et 2013 et ça continue. Nous avions indiqué l’impact de la baisse du pouvoir d’achat des ménages dans un article précédent, en voici une conséquence.

Pourtant les GSA ont cherché à s’adapter. Elles déploient des commerces de proximité en centre ville, dans les villages, après avoir tué les petits indépendants d’autrefois. Elles sont entrées dans le hard discount, et les drive in. Toutefois rien n’y fait, notons même que les hard-discounts comme Lidl ou Aldi, se redéploient vers le commerce de proximité, abandonnant leur axe de développement antérieur. A force de tirer sur les prix et les structures les GSA sont arrivées à un plancher. Manifestement leur heure est passée, il est inutile de créer de nouvelles structures. Les clients n’ont plus les moyens, et leur nombre n’est pas extensible.

Annexe

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Figure 3 : Les 10 majors compagnies source le Figaro et site reddit



Portfolio

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