La fin de la croissance ?

lundi 29 février 2016
par  Maitre de la toile
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Article écrit pour le journal d’opinion Landais Landemains téléchargeable ici.

 La croissance

Sacrée Croissance, nos politiques attendent ton retour. De toi dépendent le développement et l’emploi.

La croissance se mesure avec la variation PIB (Produit Intérieur Brut). Une variation du PIB supérieure à 2 % permet la création d’emplois, en dessous, on en supprime.

  • La croissance vient de la consommation des ménages
  • La consommation vient du partage de la valeur ajoutée de production
  • La valeur ajoutée vient de la transformation des ressources naturelles

 La Consommation des ménages

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Les ménages font les deux tiers de la consommation : ils sont le principal moteur de la croissance. Le revenu des ménages est pour l’essentiel issu des salaires. Un salarié perçoit un salaire net qui, additionné aux cotisations sociales (partie payée par le salarié, partie par l’employeur), forment le coût du travail. Les cotisations sociales participent avec les autres impôts à la vie de la société humaine, financent les retraites, le chômage, le système de soins, la construction des routes, et assurent les services publics (éducation, transports collectifs, sécurité…). Lorsqu’un salarié travaille deux heures, une est pour lui, l’autre pour le bien collectif. Lorsque les salaires stagnent ou baissent, alors la croissance stagne ou baisse. La consommation des ménages dépend des besoins et des envies des ménages. Notre population vieillissante consomme moins, car elle a moins besoin de s’équiper que de renouveler ses équipements. L’incertitude du lendemain diminue la consommation (peur du chômage, sentiment d’insécurité...). Toutes ces conditions sont réunies dans les pays occidentaux pour faire baisser la consommation, et donc la croissance.

 La valeur ajoutée, son partage

La valeur ajoutée obtenue par la production créait la richesse de la société humaine. Elle consiste à transformer des ressources naturelles en biens de consommation. C’est la production de légumes du maraîcher bio par le travail de sa terre, ou d’un producteur de cafetières qui assemble des composants eux mêmes issus d’autres entreprises. Au début du processus il y a toujours du pétrole pour les matières plastiques, les médicaments, du minerai de fer, de cuivre... du charbon pour l’acier.

Une entreprise comprend deux composantes :

  • Le Travail
  • Le Capital

Les employés échangent leur travail de transformation des ressources contre le salaire. Le capital fournit les moyens de la transformation (achat, des ressources, des moyens de production, de leur mise en œuvre, commercialisation...). En gros, le capital se rémunère sur ce qu’il reste après que tout soit payé.

Le partage de la valeur ajoutée se fait sur quatre pôles :

  • Les salaires un peu moins de 67 %
  • La rétribution du capital (intérêt d’emprunts, dividendes…) 17 %
  • Les impôts de production 5%
  • L’investissement 12 %

Le combat pour le partage de la richesse créée entre capital et salaire est une constante de l’entreprise. On a appelé cela un temps la lutte des classes.

La maxime du chancelier Schmidt : "Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain" est une escroquerie. La part des salaires baisse de 10 % entre 1982 et 2008, alors que les dividendes croissent de 8 %, l’impôt et l’investissement demeurant stables. Cette valeur ajoutée, transférée dans les dividendes, a pénalisé la croissance. Elle est thésaurisée par une petite minorité de "winners", et alimente pour partie la spéculation et de l’accumulation de biens. La théorie du ruissellement d’Adam Smith ne fonctionne pas non plus. Elle prédisait que les plus riches, en payant moins d’impôts, étaient plus efficaces dans la répartition des richesses que l’état. Car en dépensant leurs hauts revenus par la consommation, ils étaient prétendument plus efficaces que la répartition des impôts perçus pratiquée par l’état.

Une part de l’investissement de nos entreprises se fait hors frontières. Il s’accompagne d’une désindustrialisation, donc d’une perte d’emploi, d’un affaiblissement de la consommation par une fuite de la richesse produite. C’est l’application de l’autre théorie fumeuse : "Nous pensons, ils produisent". Ici, la recherche et développement (R&D plus de valeur ajoutée mais peu d’emplois), là bas, la production polluante, et à bas salaire. C’est oublier qu’"ils" peuvent aussi penser, et qu’un jour proche "ils" seront à notre niveau de conceptualisation. La Chine n’est plus seulement notre usine à produire à pas cher, elle devient aussi notre R&D à pas cher et aussi efficace. L’importation de produits pas chers permet de maintenir une consommation sur le déclin, mais en appauvrissant davantage le pays consommateur. L’automobile allemande surfant sur la " Deutsch Qualitat " nous vend des voitures dont, seul, l’assemblage final se fait en Allemagne. Les composants sont essentiellement produits en Europe de l’Est avec des coût horaires bas (Al : 31,43 € / Tchéquie : 9,40 €). L’Allemagne a détruit en partie le revenu de ses ménages, c’est une population vieillissante appauvrie, sans jeunes. Renault produit les Dacia, véhicules Low Cost, en Roumanie (France : 34,58 € / Roumanie : 4,63 €). On veut baisser le coût du travail pour être compétitif. Pour être au niveau, faudra t il vivre avec le standard Roumain ou Chinois ? Notons que malgré son coût du travail particulièrement faible, la chine est actuellement en grande difficulté. Elle produit, mais ne peut pas consommer, à part quelques privilégiés (élevés en nombre, mais faibles en %), sa population est globalement trop pauvre.

Il faut ajouter une autre pratique. Les productions délocalisées passent virtuellement par des filiales dans des paradis fiscaux. La filiale située dans le paradis fiscal achète à bas prix au pays producteur et revend plus cher au pays consommateur. Cette technique permet de domicilier le bénéfice dans des zones où il n’est pas soumis à l’impôt. A l’optimisation du prix de revient (production à faible coût), on ajoute celle du prix de vente. Le prix de vente est fixé en fonction des capacités de l’acheteur, Le marketing est un outil très efficace pour fabriquer des envies déguisées en besoins.

La financiarisation de l’économie possède un impact sur la croissance en baissant l’action des ménages, en accroissant le chômage, en détournant une partie des bénéfices. Tout ceci est réversible et du domaine de la volonté citoyenne et donc politique. Le chapitre suivant est plus problématique.

 Le nouvel impact des Ressources

Trois nouveaux problèmes émergent dans la production de biens.

Le premier problème réside dans la raréfaction des ressources. Les productivistes considèrent que la terre se régénère et que le progrès technologique permet de recycler, d’extraire toujours mieux des gisements de plus en plus pauvres, de plus en plus difficiles, les ressources sont infinies. En 1956, Hubbert propose une modélisation qui prévoit que la production de pétrole américain passera par un maximum en 1970 puis déclinera. En 1971, on constate que la production est moins importante que l’année précédente. La théorie du Pic de Hubbert est confirmée. Le redéploiement de la consommation américaine vers le golfe entraînera le premier choc pétrolier de 1973.

Hubbert prévoit que l’extraction d’une ressource naturelle suit une courbe en cloche avec un sommet plus ou moins plat. Au début, la production suit la demande qui est croissante. Lorsque l’on a extrait la moitié des réserves, la production ne peut plus suivre la demande, un nouveau modèle se met en place. La demande satisfaite sera fonction de la production. Il s’ensuit des ajustements (crises, explosion des prix…), rarement des substitutions par d’autres technologies utilisant d’autres ressources naturelles. La production va décroître jusqu’à la fin de la ressource ou son abandon. Attention, si la tendance de l’évolution du prix est globalement à la hausse, les crises, les spéculations, et les ajustements ponctuels pourront donner de fortes oscillations sur les prix. Un parfait exemple nous est donné par les cours actuels du pétrole. Le baril est passé de plus de 105 $ à moins de 35 en 7 mois. L’explication, comme les conséquences, sont difficiles à résumer, mais les faits sont là. Le pétrole cher, et surenchéri par la spéculation, a accéléré la crise, la demande a chuté, mais le réajustement n’a pas eu lieu, car le flot de pétrole n’a pas suffisamment baissé. Un pays producteur comme l’Arabie Saoudite a été fortement impactée dans ses revenus escomptés. Pour juguler son déficit financier, elle maintient sa production, quitte à brader son pétrole pour pouvoir assurer ses fins de mois. Une des conséquences du faible coup provisoire du pétrole est la mise en faillite des producteurs de pétrole et de gaz non conventionnels des USA, et la probable crise bancaire américaine qui va s’en suivre. Depuis 7 mois, la faiblesse du coût du pétrole aurait dû faire revenir la croissance, or il n’en est rien. La liaison faible coût de l’énergie /forte croissance n’est pas aussi évidente que l’on voulait nous le faire croire.

En général la diminution de la ressource va constituer le premier point de blocage, et contraindre l’entreprise à réduire la production. Les baleines fournissaient de l’huile d’éclairage, elles ont été sauvées par le pétrole. On a dû mettre en place des quotas pour le thon, la morue, l’anchois..., mais le poisson est une ressource renouvelable. Pour le non renouvelable, c’est différent. Le cuivre est en tension, le problème se pose avec le lithium, le cobalt, le platine dont les quantités disponibles sont trop faibles pour remplacer, en automobile, la propulsion thermique par l’électrique. La Chine dispose des plus grandes réserves de terres rares. Elles contiennent des minéraux très importants. Ils entrent dans la composition de nos multiples écrans, et bien d’autres produits de haute technologie. La Chine vient d’interdire l’exportation de ces terres, se réservant leur utilisation.

Le deuxième problème réside dans la notion de travail. En science physique, le travail c’est de l’énergie. La deuxième composante de l’entreprise (Capital-Travail) doit être vue en terme d’énergie. Si nous rapportons la consommation moyenne énergétique des entreprises à la restitution énergétique des employés, nous obtenons un rapport de 1 à 200. Autrement dit, chaque fois qu’une entreprise utilise une unité d’énergie productive (physique ou intellectuelle) d’un employé, elle consomme 200 unités d’énergie issue de ressources naturelles (électricité, fuel, gaz …). Depuis 2005, la consommation énergétique baisse en France. Il s’ensuit une baisse de la production. La baisse s’explique par la production en volume du pétrole (énergie principale) devenue constante. Le gâteau maintenant constant doit être partagé par un plus grand nombre de consommateurs (pays émergements) ; chaque consommateur voit sa part se réduire doucement, pour l’instant. Le prix n’a pas d’influence, il oscille sur une tendance croissante. Le PIB suit l’évolution de la consommation avec un léger retard. C’est la diminution des volumes énergétiques disponibles, non compensée par les économies d’énergie, qui fait la croissance faible ou nulle, et fait la crise. L’évolution du PIB en est un outil de mesure.

De tout ceci, un troisième problème va apparaître sur la production. Moins de ressources, et moins d’énergie pour les transformer vont nous obliger à produire moins de biens. Il faudra donc choisir, de nouveaux axes de productions

 En guise de conclusion

La croissance est derrière nous, seuls quelques accros tels des drogués y croient encore. Ils frémissent dès que l’on avoisine les 0,5 % de croissance du PIB. Ils crient à son retour dès que l’on approche provisoirement les 1 %, et assurent le retournement de la courbe du chômage. Ils oublient qu’en dessous de 2 %, seul le chômage augmente. Le taux de croissance moyenne annuel du PIB est inférieur à 2 % depuis 1974, c’est à dire 40 ans. Depuis 20 ans, il est inférieur à 1,6 %, et inférieur à 1 % depuis 10 ans. Et pourtant combien de solutions ont été mises en œuvre sans le moindre succès autre que de vagues oscillations temporaires.

La solution est ailleurs, les biens produits devront être plus durables, recyclables, réemployables. Il faudra aller à l’utile et supprimer le futile. Nous devrons revenir à des productions durables mais aussi résilientes. Le volume de travail ’ salariable ’ disponible sera de moins en moins important. Il faudra là aussi partager, mais aussi inventer d’autres façons d’évaluer le travail, celui des associatifs par exemple. Que ce soit dans l’aide à la personne, celui du parent pour l’enfant, de l’enfant pour le parent âgé, du bénévole, qui vient tenir compagnie. Le temps passé par les bénévoles dans le vaste champs associatif qui manque de bras. Certes, le recours obligé à une agriculture bio ramènera des gens à la terre, mais les transports devront être réduits tant pour les produits que pour notre travail, nos loisirs. Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) sont d’excellents moyens de communication et de déplacements par la virtualisation des échanges humains, de documents… Efficaces, très rapides et peu énergivores. Elles peuvent très largement se substituer aux anciens moyens, elles sont beaucoup moins consommatrices d’infrastructures. La relocalisation des productions va s’imposer chaque fois que possible, diminuant d’autant le transport des biens et des personnes. Fini également le temps des gros centres de production de masse, "Small is beautiful" a écrit en 1973 Ernst Friedrich Schumacher l’économiste anglais, pas le footballeur ou le pilote.

Sacrée croissance, tu ne reviendras pas. Nous devrons apprendre à partager le travail, les ressources naturelles. Un nouveau monde est à construire, plus nous nous engagerons vite dans le chantier, plus ce sera facile et enthousiasmant.

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