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Dans une ferme isolée de la localité de Papaye, au centre de Haïti, des agriculteurs sont rassemblés pour évaluer les initiatives prises par leur association et un constat s’impose : près de deux mois après le passage de l’ouragan Sandy, la situation est dramatique.
Loin des caméras, Haïti souffre (cliquez pour agrandir)
"Les agriculteurs haïtiens ont été très touchés par la sécheresse, puis par les inondations provoquées par l’ouragan Sandy. Les récoltes sont perdues dans la plupart des régions d’Haïti. Aujourd’hui, il y a une réelle menace defamine", analyse Chavannes Jean-Baptiste, qui dirige l’organisation paysanne Mouvman Paysan Papaye (MPP, enfrançais : Mouvement des paysans de Papaye).
Au milieu de la salle de réunion, des échantillons de produits agricoles sont exposés à côté de vieux outils, une machette, une houe et une pelle entourées de bougies allumées formant un dessin cabalistique.
"C’est une mystique paysanne de présenter les produits de la terre", explique Chavannes Jean-Baptiste, dont l’organisation vient de lancer un appel, soutenu par l’ONG française Frères des hommes, afin de trouver dessemences pour les paysans haïtiens pratiquement en détresse.
Depuis le passage de l’ouragan, qui a occasionné des pertes évaluées à plus de 150 millions de dollars dans le secteur agricole, les produits sont de plus en plus rares sur les marchés, les prix des aliments ont drastiquement augmenté et près de 2 millions de Haïtiens sont en état d’insécurité alimentaire.
Le gouvernement a décrété deux mois d’état d’urgence et lancé un appel à la solidarité nationale et internationale. La France a apporté fin novembre 300.000 euros à 1.000 familles d’agriculteurs dans l’ouest pour acheter des semences et des engrais à moitié prix.
Mais l’état d’urgence est difficile à mesurer. "C’est nul, les paysans qui ont été victimes n’ont rien vu", estime Chavannes Jean-Baptiste.
Pour ce leader paysan, le plus connu et le plus respecté de Haïti, il faut "une distribution massive de semences aux paysans, car près de 80% de la population paysanne est dans la faim".
Frères des hommes a relayé l’appel du MPP en créant un site internet (www.fdh.org) et en encourageant des volontaires à acheter sur l’internet des semences pour les paysans haïtiens.
Souveraineté alimentaire
"Nous voulons des semences naturelles", précise M. Jean-Baptiste, qui prône la souveraineté alimentaire pour Haïti à travers une production agricole familiale fondée sur l’agro-écologie. "Nous sommes contre la mécanisation de l’agriculture en Haïti où les paysans exploitent des petites parcelles de terre. La houe, la machette, c’est ce qu’il faut pour les petits agriculteurs. Ils n’ont pas besoin de tracteurs", assure M. Jean-Baptiste, dont l’organisation s’était fortement opposée à l’arrivée en Haïti de semences hybrides ou OGM offertes par un grand industriel américain après le séisme de 2010.
Le MPP défend une réforme agraire intégrale aux termes de laquelle le petit planteur haïtien sera sécurisé sur sa portion de terre et pourra produire pour nourrir sa famille et sa localité en respectant l’environnement. "Il faut donner du crédit aux agriculteurs, donner une assistance technique et mettre en place des infrastructures agricoles", répète-t-il.
Des organisations internationales comme le Mouvement laïque pour l’Amérique latine (MLAL), Frères des hommes et une ONG italienne ont dépêché des volontaires pour aider les cadres paysans du MPP. Des projets financés par la Fondation de France, l’Union européenne et l’Agence française de développement sont aussi en cours pour former des agro-écologistes, combattre le déboisement et permettre au pays de sortir de la dépendance alimentaire externe.
Afp le 20 déc. 12