Dans l’interview publiée par Sud-Ouest le 6 avril, voici la réponse de Mr Emmanuelli à la question "Les critiques s’élèvent contre le coût de la LGV (ligne à grande vitesse). N’avez-vous pas de doutes sur ce dossier ?"
"Je suis prêt à cofinancer un sondage sur ce que pensent les Aquitains de la LGV. Les opposants sont très minoritaires. Dans les Landes, cela coupe par exemple la propriété d’un notaire qui a de l’entregent et a mobilisé des gens. Mais je suis persuadé que plus de 60 % des Aquitains y sont favorables. Cela va modifier les comportements, désenclaver la région. Les Madrilènes seront sur nos plages en moins de deux heures, et le trafic Bilbao-Toulouse sera énorme. J’ai toujours dit qu’un jour le Sud-Ouest serait la Californie française, mais il faut pour cela que l’on soit irrigués."
Ah, les indignados madrilènes qui n’attendent que le TGV pour venir se bronzer les fesses sur les plages landaises, voilà une sortie de crise digne d’un grand stratège !
Voici la lettre ouverte envoyée conjointement par l’ACCRIL et les Amis de la Terre :
Dax, le 25 avril 2012
LETTRE OUVERTE à Monsieur le Président du Conseil Général des Landes
Nous vous adressons ce courrier en réponse à votre interview au journal Sud Ouest du 06 avril 2012.
Lors de cette intervention, vous avez abordé le projet de nouvelle ligne ferroviaire GPSO de façon partiale, tout en reléguant les citoyens impactés à quelques personnes plus soucieuses de leurs intérêts privés que de l’intérêt général. Nous dénonçons cette approche indigne d’un élu de la République et très révélatrice de la dérive de nos institutions, où la pression des lobbys et des appareils de partis prend le pas sur la consultation démocratique des citoyens.
Non, Monsieur le Président, aucun sondage financé par le contribuable ne saurait prévaloir face à un débat démocratique et une consultation populaire.
Non, Monsieur le Président, vous ne pouvez pas réduire les opposants à quelques individus disposant d’entregent pour faire déplacer les tracés : Les citoyens impactés seront les petites gens dont la maison est le seul bien, les agriculteurs et sylviculteurs dont la terre est l’outil de travail. L’ensemble des citoyens Landais sera appelé d’une manière ou d’une autre à financer cette nouvelle infrastructure au profit d’une minorité de voyageurs (la clientèle TGV représente moins de 10 % de la clientèle ferroviaire). Les indemnisations qui seront octroyées aux expropriés seront proches de la spoliation. Voilà en réalité ce qui attend les citoyens Landais si ce projet inutile destructeur et ruineux voit le jour.
(Cliquer pour agrandir)
Monsieur le Président, nous avons du mal à penser que vous puissiez croire un seul instant aux arguments fallacieux que vous égrenez dans cette interview. Ceux-ci ont été maintes fois contredits par les faits, par le retour d’expérience, par toutes ces études universitaires on ne peut plus sérieuses, par les études de cabinets indépendants, ainsi que récemment par les comptes rendus des assises du ferroviaire (1).
Il a été clairement démontré que la construction de la LGV Bordeaux Hendaye n’apportera rien de significatif, ni en terme de temps gagné (elle fait 70 km de plus que la ligne existante) ni en terme de saturation qui est totalement imaginaire.
« L’effet aménageur de la grande vitesse » : C’est un mythe et une incantation des politiques » précise l’étude du laboratoire TheMA après analyse des zones d’implantation des gares TGV (2). D’ailleurs, nous avons dans les Landes un exemple tout à fait édifiant : Dax est une ville qui possède une gare TGV : or les recensements de population montrent une quasi égalité de population par rapport à Mont de Marsan, ville qui n’en dispose pas.
Le désenclavement de la région grâce à la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire : La Région Aquitaine est largement pourvue en infrastructures, toutes censées la désenclaver : autoroutes, voies ferrées, lignes aériennes, autoroutes de la mer. Sans oublier l’A65 Langon Pau, dont l’échec est patent. Ce sont les mêmes idées reçues qui ont conduit à cette erreur magistrale. Elle était parée de toutes les vertus :
- Elle devait accroître les déplacements : il n’en n’est rien, hormis une plus grande facilité donnée aux Bordelais pour aller faire du ski 15 jours par an.
- Assurer la sécurité routière : il n’en est rien, les camions ne l’empruntent pas et si peu de voitures.
- Assurer le désenclavement : rien de mieux, le désenclavement ne fait pas le développement. Nous connaissons déjà l’impact environnemental de cette autoroute, quel sera son impact sur nos impôts ?
Les arguments avancés pour justifier ce projet GPSO s’effondrant les uns après les autres, vous évoquez l’attrait soudain et inéluctable des Espagnols pour nos contrées, et notamment nos plages : Ils n’ont pas attendu le développement des infrastructures pour venir, mais les conditions de leur venue semblent profondément changées. Outre le fait que les gouvernements Espagnols et Portugais ont récemment décidé de geler ou d’annuler leurs programmes respectifs de LGV car trop chers et inefficaces, l’énorme crise qui les frappe, va sûrement diminuer leurs possibilités en matière de fréquentation de notre région. Nous y voyons là une raison de plus pour privilégier la ligne actuelle plus proche de nos côtes que ne le sera la future ligne, si elle se réalise !
Vous nous parlez aussi « d’irrigation » : ce terme, très en vogue dans les milieux de la communication, est pour le coup bien mal approprié pour définir cette ligne sur laquelle la majorité des trains ne feront que passer sans s’arrêter.
(Cliquer pour agrandir)
Enfin, nous sommes très surpris de votre silence sur l’évaluation du coût du projet GPSO, qui se situera autour de 18 milliards d’euros et sur les modalités de son financement, compte tenu des perspectives économiques et budgétaires de notre pays. De même, lors de votre discours, pas un mot sur l’environnement, qui sera pourtant le grand perdant de ce projet, ce qui, pour un département soucieux d’attirer un tourisme « vert » est pour le moins paradoxal.
Nous tenons également par ce courrier à réaffirmer notre volonté de promouvoir un transport ferroviaire moderne et adapté à son époque. Nous sommes favorables à la rénovation et la modernisation des lignes existantes, prenant en compte la problématique des riverains, car elle répond parfaitement au besoin socio économique et au besoin de transport des Aquitains, tout en présentant un coût acceptable pour l’ensemble de ses citoyens. Il y a une soixantaine d’années, certains l’ont oublié, Mont de Marsan était un nœud ferroviaire, pourquoi a t-il disparu ? Ne vaudrait t-il pas mieux le revitaliser, au lieu d’y espérer une pseudo halte TGV toute virtuelle.
Nous sommes à votre disposition pour tout renseignement ou débat contradictoire que vous souhaiteriez engager.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, nos meilleures salutations.
Pour l’ACCRiL : Jean Pierre Pédespan ; Pour les Amis de la Terre : Christian Berdot :