14 juin 2011 06h00 | Par JEAN-LOUIS HUGON
Un vrai ortie-culteur
Jean-François Liphout milite pour les préparations naturelles peu préoccupantes
Jean-François Liphout (à droite) était mercredi dernier l’invité des Amis de la Terre, présidés par Christian Berdot. PHOTO LÉO SOURIGUES
Jean-François Liphout est un horticulteur périgourdin passionné de produits naturels pour traiter les plantes. Ces purins d’ortie, de prêle ou de fougère que la dernière loi d’orientation agricole veut interdire d’utiliser librement par le citoyen moyen. Un vrai ortie-culteur donc, qui, de plus, n’a pas la langue dans sa poche quand il défend sa cause, qui est aussi la nôtre.
« Ces préparations sont à base de molécules naturelles connues depuis des générations par les gens de la campagne, avance-t-il. Le purin d’ortie, par exemple, est un stimulant pour les végétaux et un insectifuge, repoussant pour les insectes, mais en aucun cas un pesticide. Or, la loi de 2006 l’a classé comme tel, ce qui oblige à constituer un dossier complet à déposer à l’Afssa (Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments), soit 200 pages écrites en anglais, comme pour toutes les molécules de synthèse obtenues par la chimie. Tout cela dans le but de se voir délivrer une autorisation de mise sur le marché (AMM), ce qui est la règle pour toutes ces substances. »
75 000 euros d’amende
Même si la formule a été simplifiée, la loi est sévère : « Toute infraction, poursuit M. Liphout, peut être sanctionnée d’une amende de 75 000 euros et de deux ans de prison. Se livrer à du trafic de stupéfiants, c’est moins cher payé ! De plus, la loi interdit la communication sur ce sujet, il est donc interdit de diffuser la recette de préparation de tels produits. Et si vous dites que vous ne voulez pas les vendre, mais les donner, on vous répond que c’est le même tarif, car un don est un acte de vente gratuit. » M. Liphout a donc créé une association, l’Aspro-PNPP (Association pour la promotion des préparations naturelles peu préoccupantes) qu’il préside. Car même si, sous la pression populaire, l’Assemblée nationale a adopté un amendement à la loi sur l’eau qui en exclut l’ortie, tous les autres produits y sont soumis. « Nous faisons du purin avec de la fougère, de la prêle, de la consoude, poursuit Jean-François Liphout, mais nous employons d’autres produits très naturels, comme le savon noir, le petit-lait, le gros sel (excellent désherbant), le vinaigre blanc, l’huile de neem (une plante d’Inde). Il y a aussi des préparations biodynamiques à base d’argile. Même l’eau chaude, qui est utilisée dans certaines collectivités pour détruire les mauvaises herbes, ne serait pas homologuée. »
Ironie de l’histoire, pour donner le change, le législateur a communiqué une formule de purin d’ortie, que les connaisseurs qualifient de « piquette » d’ortie : « On nous le présente comme un pesticide, un fongicide, c’est tout juste s’il ne lave pas les carreaux ! En fait, c’est totalement inefficace. »
Le but pour les défenseurs de ces produits naturels est d’obtenir leur classement sur une troisième voie, qui ne soit ni engrais ni pesticide. En Espagne, il y a des phytofortifiants, dans d’autres pays européens (Allemagne, Autriche, Hollande), ces matières, dites à faible risque, sont autorisées. Mais pas chez nous.
Pourtant, certaines collectivités comme la ville d’Oloron, le Pôle innovation à Pau qui veut valoriser les produits du terroir, recommandent l’utilisation et même la production de ces PNPP. Dans les Landes, rien de tel pour l’instant. Mais Jean-François Liphout, invité mercredi dernier par les Amis de la Terre à Mugron, compte bien recruter des militants.