On nous parle beaucoup du modèle allemand en ce moment. Et si on suivait un peu leur politique énergétique ? Voici un article d’outre-Rhin qui remet en question notre mythologie française en matière d’énergie.
Dépêche de la Deutsche Presse Agentur reprise par FOCUS on line
Malgré la sortie du nucléaire et des records de froid, l’Allemagne a actuellement assez d’électricité pour aider la France à éviter la pénurie.
D’après RTE, la compagnie qui gère le réseau électrique, les besoins en électricité ont atteint mercredi soir chez nos voisins, 101 700 mégawatts, un nouveau record.
Depuis des jours, l’Allemagne fournit, malgré un nombre de réacteurs nucléaires réduit à 9, beaucoup d’électricité. Le ministre fédéral chrétien-démocrate de l’Environnement, Norbert Röttgen, déclarait mercredi devant les députés : « Notre virage énergétique vient de passer avec succès son premier test . Les exportations nettes de l’Allemagne s’élèvent actuellement entre 150 000 et 170 000 mégawatts/h par jour. »
En France, les besoins en électricité atteignait mercredi presque toute la journée, le double de la consommation de l’Allemagne, alors qu’elle compte 15 millions d’habitants en plus. La raison, ce sont les chauffages électriques en France qui, lors des périodes de froid, engloutissent des quantités énormes d’électricité. En particulier le midi et le soir, les besoins en énergie approchent depuis le début de la semaine la barre des 100 000 mégawatts.
La consommation française d’électricité correspond à la capacité de plus de 80 réacteurs d’une puissance de 12 00 mégawatts. Comme la France n’a actuellement que 55 réacteurs qui fournissent du courant et que les autres sources ne peuvent couvrir les besoins, elle doit importer de l’électricité. En France, mardi soir, le prix de l’électricité à la bourse s’élevait à 34 centimes le kilowatt/h à cause de la demande massive et était presque trois fois plus élevé qu’en Allemagne au même moment, alors que l’Allemagne n’a que 9 réacteurs nucléaires en service.
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Le gouvernement français considère que c’est une situation exceptionnelle. Le ministre de l’Energie soulignait que si l’on calcule sur l’année, la France exporterait plus d’électricité qu’elle n’en importe. Le président Nicolas Sarkozy exclut catégoriquement une sortie du nucléaire, considérée comme trop chère.
Par moment, la France doit importer plus de 7000 mégawatts/h pour assurer son approvisionnement. L’Allemagne amortit les pics de fortes demandes le midi, grâce au fort ensoleillement et à l’électricité solaire pourtant souvent décrié. L’électricité éolienne est aussi responsable, suivant les conditions météorologiques, du fait que la fermeture de 8 réacteurs se soit passée sans problème particulier. Après le virage de la politique énergétique qui a suivi la catastrophe de Fukushima, les dirigeants des compagnies d’électricité avaient pourtant prévenu que l’Allemagne serait dorénavant dépendante de l’électricité française de façon durable.
Jürgen Großmann, le directeur de la firme RWE, tempère l’euphorie, car en cas d’arrêt prolongé d’un réacteur, la situation pourrait rapidement changer et se gâter. On naviguerait à vue. Il déclarait à l’Agence de Presse Allemande (dpa) : « Personne ne peut avoir un intérêt à ce qu’il se produise un blackout important qui entraînerait des dommages économiques gigantesques ».
D’après les informations du « Financial Times Deutschland » (FTD) et du magazine « Handelsblatt » les centrales en réserve ont dû être réactivées mercredi. D’après le FTD, les 220 mégawatts du bloc 3 du producteur Großkraftwerk Mannheim était presque toute la journée en service. En Autriche aussi, les gestionnaires du réseau ont fait appel à ce qu’on appelle les réserves « froides ». L’Agence allemande du réseau fédéral avait, l’été dernier, réservé une capacité de 1000 mégawatts dans d’anciennes centrales au fuel ou au charbon pour stabiliser le réseau allemand.
Pour le chef de l’Agence allemande du réseau fédéral, Matthias Kurth, l’Allemagne serait devenue importatrice d’électricité suite à la sortie du nucléaire, mais exporterait actuellement des quantités énormes d’électricité vers la France. « Cela vient du fait que notre part de production d’électricité à partir d’énergie conventionnelle est encore élevée, justement pas seulement les énergies renouvelables mais aussi l’énergie atomique. »
Pour Hans Joseph Fell du parti des Grünen, la forte consommation d’électricité en France et le manque de mesures d’économie d’énergie son responsables de la situation tendue actuelle. « Avec son approvisionnement électrique qui repose sur l’atome, la France met en danger la sécurité de l’approvisionnement en électricité de toute l’Europe. »