Entre l’avant dernière réunion publique de Saint Vincent de Tyrosse, et la dernière, celle de Habas, notre travail en collaboration avec d’autres associations comme l’ACCRiL ou le collectif Stockage-Gaz-Landes nous a permis de faire des avancées très importantes. Elles portent sur des secteurs du projet "oubliés" par EDF, ou même peut être cachés.
Dans ses divers exposés, EDF cite abondamment son travail à Etzel. Nous avons montré qu’il y a là une très forte probabilité de mensonge. De nouvelles informations viennent renforcer nos doutes sur la qualité du dossier présenté.
Dès la deuxième réunion, celle de Messanges, nous avions attiré l’attention d’EDF sur une étude du BRGM qui portait entre autre sur le diapir (dôme de sel) de Pouillon. EDF ignorait cette étude, et a tout au long des réunions dénigré l’importance de celle ci. Or voici que le CSRPN (Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel), organisme compétant s’il en est en aquitaine, vient de donner une contribution qui valide l’ensemble de nos craintes sur ce diapir.
Cette position rend la situation d’autant plus inquiétante pour les Landais, et en particulier pour les habitants plus ou moins proches du site de stockage. Rapprochons cette contribution au fait qu’ EDF soit vraisemblablement incompétente dans la conduite d’un tel chantier, et des conclusions du commissaire enquêteur de Manosque...
Nous voyons ici comment au travers d’un saucissonnage des enquêtes publiques, entre la première pour creuser et la deuxième pour exploiter, on ne peut modifier un déroulement de projet. Éviter d’empêcher la réalisation, tandis que les travaux étant faits, on ne peut que difficilement empêcher l’utilisation. En évacuant toute la problématique de l’utilisation, on évacue le risque d’un refus de la DUP sur la construction.
Nous sommes parfaitement conscients qu’ EDF sous-traitera la réalisation des cavités pour toute ou partie. Mais prenons l’exemple d’un autre débat public, celui de la LGV. RFF a passé son temps à mentir, il a fallu se battre longuement pour obtenir le nombre réel de trains passant sur la Ligne Dax Hendaye. Nous savions que RFF surévaluait ses données pour avancer dans le temps une hypothétique saturation des lignes. Ce n’était à la limite que techniques commerciales plus ou moins honnêtes. Mais nous n’avons jamais douté que si par malheur la ligne se faisait, RFF aurait les capacités techniques, l’expérience nécessaire, pour imposer à son sous-traitant du BTP une réalisation irréprochable de tel viaduc ou de tel tunnel. Pour EDF, nous avons ce doute.
Un autre champ d’investigations s’est ouvert à nous. Nous n’avons jamais obtenu de réponse claire d’EDF concernant la durée de vie des installations ni de leur démantèlement. EDF se bornant à indiquer qu’il suffisait de les remplir de saumure...
Nous avons une série de documents de l’INERIS concernant la fin de vie des cavités salines. Le document ci-dessous résume l’état de l’art en la matière en France.
Le seul exemple français est constitué par l’arrêt de l’exploitation des cavités de CarresseCassaber non loin de Lacq. La construction a commencé en 1969, l’arrêt a débuté entre 1998 et 2001.
Les cavités de Carresse stockaient du propane liquide. Ces 3 cavités salines sont toutes petites en regard du projet EDF. La taille oscille entre 9000 et 21 000 m3, soit 40 000 m3 pour l’ensemble. Chaque cavité est de 20 à 40 fois plus petite qu’une seule cavité de 400 000 m3 projetée par EDF. Il y en aurait 12 à construire à Pouillon. Contrairement aux affirmations d’EDF, la fin de vie ne comprend pas un simple remplissage par la saumure et la pose d’un bouchon cimenté. A Carresse-Cassaber le processus a débuté en 1998, et est loin d’être terminé, puisque l’abandon n’est toujours pas prononcé. Le processus de fermeture n’est actuellement qu’une série d’hypothèses avec un seul retour d’expérience en France celui de Carresse-Cassaber, et fort peu à l’étranger.
A Tersanne une cavité s’est effondrée après deux ans de service.
Nous ne savons pas combien de temps EDF souhaite utiliser ses cavités, un autre problème n’a jamais été évoqué, et vient d’être porté à notre connaissance. Une cavité converge en permanence (se referme sur elle même). Si la convergence est inférieure à 2 % par an, le site est exploitable. La convergence referme la cavité, mais la déforme également. Un lessivage de correction assez complexe tout les 30 ans serait nécessaire. Le saumoduc sera t-il réellement neutralisé ?
En creusement, ou en utilisation, la pression à l’intérieur de la cavité permet d’emmagasiner davantage de gaz, et de ralentir la convergence. Cette pression possède des limites. La compression du gaz nécessite beaucoup d’énergie. Environ 30 à 50% de cette énergie est une énergie thermique perdue. Il faut refroidir le gaz lors de la compression et le réchauffer lors de la décompression avant de l’envoyer dans le réseau de distribution. Cette énergie perdue est d’autant plus forte que la compression est élevée. Nous savons que la pression lithostatique (liée à l’empilement des terres au-dessus de la cavité) est d’environ 22 à 23 MPa par 1000m (220 bars/1000m). Si une cavité débute à 1000 m et se termine à 2000m de profondeur, alors il y a un différentiel de pression de convergence de 220 bars entre le haut et le bas (220 en haut , 440 en bas). Pour comparaison, lors du lessivage, la pression halmostatique (pression liée à la hauteur de la saumure) est de 12 MPa/1000m (120 bars/1000 m). La pression de stockage sert à ralentir la convergence. Mais comment la choisir ? Si la pression du gaz ou de la saumure lors du lessivage dépasse légèrement la pression lithostatique (ou est identique sur une période longue), alors nous avons des risques de fracturation (la cavité se fissure, et peut s’effondrer ou converger rapidement). Si elle est trop faible alors la convergence se fait plus rapidement, et la cavité peut se déformer autour de ses points de faiblesse. C’est pour ces deux raisons (le coût de la compression du gaz, et le risque de fracturation) que les pressions de stockage du gaz sont comprises entre 6 et 22 MPa (60 et 220 bars). Le seuil haut est fixé par le risque de fracturation au sommet de la cavité, c’est le point le plus fragile. La pression basse permet de ralentir la convergence, surtout lors de la présence de sels de potasse, d’argiles et autres hétérogénéités. Une cavité converge normalement plus par le bas que par le haut, mais les hétérogénéités du sel peuvent accélérer localement le phénomène. De même, il semblerait que les cycles de compression décompression du gaz (stockage, déstockage du gaz) accélèrent le vieillissement de la cavité.
Les protocoles imposés par l’INERIS donnent des processus d’abandon (de fermeture) extrêmement longs et coûteux. En effet, selon l’INERIS des phénomènes physico-chimiques complexes sont à l’œuvre durant la fermeture de la caverne. Il y a des transferts, par perméabilité, de la saumure vers le massif de sel, des montées en température extrêmement lentes. La saumure, introduite dans la cavité, voit sa température monter de 30 à 40° ou plus suivant la profondeur. Cela entraîne des variations de densité, de pression, d’équilibre eutectique (variation du point de saturation du sel). A tout ceci s’ajoute un phénomène constant de convergence de la cavité. Le sel au comportement plus visco-plastique que visco-élastique a tendance à fluer sous la pression externe (le poids des terres au dessus). La cavité se referme sur elle même. Une obturation prématurée donnera une dilatation contrariée de la saumure qui engendrera une montée en pression. Si la pression à l’intérieur devient trop forte, alors survient un risque de fracture hydraulique avec les conséquences de fuites [1], et (ou) l’effondrement de la cavité. Ce phénomène est amplifié si les bords de la cavité comportent trop d’hétérogénéité. L’INERIS indique des temps d’équilibre qui peuvent atteindre le siècle dans les grosses cavités (400 000 à 500 000 m3). Ce n’est que lorsque l’équilibre est relativement proche que l’on peut obturer la cavité. Pour les cavités comme celles prévues à Pouillon, l’INERIS prévoit que l’obturation (l’abandon) ne pourra se faire qu’après plusieurs dizaines d’années après la mise en saumure (20 à 50 ans au minimum). Ensuite, une période de surveillance de 20 à 30 ans sera nécessaire.
Et bien sûr, au vu des délais, l’INERIS ne manque pas de poser la bonne question :
Au vu de l’échelle des temps nécessaires, qui doit faire qui doit payer ?...
Comme nous le voyons, plus nous avançons dans ce dossier, et plus nous découvrons d’oublis, de petits mensonges, démontrant soit une incompétence, soit une volonté manifeste de cacher des informations gênantes pour le maître d’œuvre.
Ce projet ne doit pas aboutir en l’état actuel du dossier.